La guerre sociale en France décrypte les avancées néolibérales des dernières décennies et leurs conséquences sur le corps social. Le début du livre est consacré à une définition assez claire et intéressante du concept de néolibéralisme comme mode d'existence du capitalisme contemporain. On comprend comment une politique de l'offre a été menée en arguant que celle ci permettrait de créer une croissance libératrice perçue comme le fruit d'un juste marché et d'une concurrence assurée par un État dévoué au capital.
Le néolibéralisme s'impose alors comme une Vérité grâce à des élites (politiques, économistes, hauts fonctionnaires, etc.) acquises et sa cause, en s'appuyant sur des institutions non démocratiques et dites indépendantes (FMI, OMC, OCDE, etc.) pour affirmer son autorité et établir les fameuses réformes structurelles.
La pertinence du travail de Romaric Godin réside également dans les retours historiques très intéressants qui structurent l'ouvrage et permettent de cerner les différents stades de construction du néolibéralisme et les stratégies changeantes de ses laudateurs.
Dès lors, cela permet de comprendre la radicalisation autoritaire du gouvernement Macron, et de faire le lien entre répression du corps social et promotion du néolibéralisme. La croissance et la concurrence n'étant jamais suffisantes, les réformes néolibérales se doivent de passer. Si le peuple ne le comprend pas, le recours à la force n'est plus une hypothèse.
Cela étant, s'il est fait mention d'autres travaux pour comprendre la constitution d'un bloc bourgeois, la construction d'un État néolibéral grâce à l'assentiment de hauts fonctionnaires, ou encore l'utilisation de l'extrême droite comme d'un épouvantail électoral utile, on regrettera le manque de références au champ médiatique et la fréquence avec laquelle l'auteur convoque une "opinion publique" et des enquêtes d'opinion dont Bourdieu - et d'autres - ont démontré la vacuité.
9/10