Magnifique !
Julien Syrac ne nous promet pas un roman au rythme trépidant, enchaînant rebondissements et révélations, ni une épopée épique, il nous dresse plutôt des portraits de vie, sur une journée, sur un...
le 2 avr. 2017
Premier roman d'un jeune auteur très prometteur tant il y a en son sein de belles choses. Tout d'abord, j'ai pu être dérouté par le lieu choisi et le quasi huis-clos. Puis, très vite les images abondent et les portraits des protagonistes me ravissent : "La grosse bouchère, son mari le petit boucher apeuré, le fils débile et déjà obèse, incarnation trinitaire de tout ce que l'étal propose, de la farce de porc au cou maigre et déplumé des poulets, le saignant et le blême dans une orgie de rouges assassins sur fond de carrelage de morgue." (p.33)
Julien Syrac use d'une belle langue, à la fois riche et argotique, délicate et grossière. Il mélange les genres, ne s'arrête pas à un style qu'il aurait cherché et trouvé et qu'il utiliserait jusqu'au bout. Le risque, c'est que son roman puisse paraître partir dans tous les sens, ce qui peut se vérifier dans ses envolées, ses digressions sur le véganisme, la peinture, les livres, les vendeurs et les travailleurs de la Halle qui gagnent chichement leur vie et travaillent durs, les profiteurs comme Patrick M, le patron de Julien qui travaille peu et gagne beaucoup, les amours de telle libraire ou telle cuisinière, ... C'est dans ces moments-là que parfois, je trouve qu'il pousse un peu le bouchon. Oui, mais, aussitôt après, il revient dans la Halle et on y retourne avec bonheur. Cette quasi unicité de lieu m'a beaucoup plu. Elle permet la rencontre de gens qui ne feraient que se croiser autrement, qui n'ont rien en commun sauf la Halle. Et dès que le romancier se penche sur ses personnages, ils deviennent plus denses, plus complexes qu'il n'y paraît, il les dessine au-delà des apparences : untel est plus cultivé qu'il ne veut le laisser croire, l'autre est vraiment tel qu'on le pressent, un beauf dans toute sa splendeur, unetelle a vécu des drames assez terribles, ... Fouad est un peintre raté, un galeriste qui ne vend pas mais il a cette très jolie réflexion : "Fouad dit avoir enfin compris que le plus grand de tous les arts, ce n'est ni la littérature, ni la peinture, ni la photographie, ni la musique, mais le silence. La plénitude du silence. Le foisonnement du silence. L'éternité du silence. La sidérante beauté du silence. Le silence est le plus grand chef-d’œuvre auquel un homme puisse aspirer." (p.123)
Le risque dont je parlais plus haut est largement compensé par le vrai plaisir de lire un roman original et dans le fond et dans la forme. C'est une fable très contemporaine sur la condition humaine, délicatement et violemment écrite. Le fait de changer de style d'écriture perturbe le lecteur que je suis, me met en intranquillité ne sachant ce que je vais découvrir en tournant la page : des phrases nominales courtes ? De grandes envolées lyriques ? Une description plus classique ? Quel plus grand plaisir de lecture que celui de ne pas savoir ce que l'on va trouver en tournant la page ?
Très belle découverte que ce premier roman, La différence est un éditeur que j'aime beaucoup exigeant et de qualité. A noter que Julien Syrac a traduit -pour les éditions Actes sud- Le silence même n'est plus à toi d'Asli Erdogan récemment emprisonnée par le pouvoir turc.
Créée
le 3 mai 2017
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