Contre mauvaise fortune...
Trois nouvelles sont réunies dans ce recueil.
Trois nouvelles qui plongent dans le monde russe pendant la guerre, ou juste après, ou entre deux. Mais, en tout cas, avec toujours cette présence constante de la mort, de la disparition, de la pauvreté, du patriotisme (mis à mal, souvent).
Il fait froid, gris, humide dans ces nouvelles. Il y a de grandes injustices, et une confrontation au système administratif qui pourrait remettre en question tout le système national, s'il n'y avait cette pression constante du pouvoir, cette peur de passer pour traitre face à l'envie de crier son malheur.
Les personnages sont tous forts et faibles en même temps. Prisonniers de leur peur, inquiétés par la masse populaire, et osant "râler", aller contre, s'imposer. Et surtout : survivant malgré tout.
Dans la maison de Matriona : c'est un jeune professeur qui s'installe chez une vieille femme. Son mari a disparu à la guerre. Elle vit dans une grande pauvreté, mais trouve toujours de l'énergie pour aider les membres de sa famille, ou ses amis. Seulement... le peu qu'elle a, on veut lui prendre. Comme une sorte de malédiction, qu'elle va affronter silencieusement, fatalement.
Dans L'inconnu de Krétchétovka : c'est un soldat, affecté à la régulation du trafic des chemins de fer militaires, qui se morfond dans son coin, rêvant de servir sa patrie, d'aller au front pour lutter contre les allemands.
Il essaye de vivre selon des principes moraux strictes, mais le monde extérieur met à mal son intégrité. Et exploite aussi sa bonté.
Mais lorsqu'il sera confronté à un vrai problème, il saura prendre les choses en main... avec toutes les conséquences psychologiques de culpabilité que ça fait naître.
Dans Pour le bien de la cause : Un établissement scolaire technique est trop petit, et trop délabré pour accueillir comme il faut tous ses étudiants. Quelques fonds débloqués ne suffisent pas pour construire un nouveau bâtiment, du coup, ils se mettent tous au travail : après quelques longs mois, les étudiants et les professeurs parviennent alors à créer un lieu où ils pourront travailler correctement.
Seulement, le jour où ils attendent le dernier papier leur donnant accès à leur nouvel établissement, ils apprennent que celui-ci est offert à un organisme de recherche mystérieux.
Soljenitsyne parvient toujours à donner une épaisseur à laquelle on ne s'attendait pas forcément à ses personnages. Ils semblent, au début, suivre le cours des choses, ne pas s'offusquer ou se rebeller. Suivre le règlement. Et puis, il y a des failles, un passé, quelque chose qui les a déjà meurtrit une fois, et leur a peut-être aussi donné la force de réagir aujourd'hui.
Et on les suit, avec une empathie réelle. On aimerait qu'ils se sortent des magouilles du système.
Soljenitsyne pose en quelques pages une critique piquante du système communiste.