Il n'y a strictement aucun doute là-dessus. Horowitz est un génie. Dans sa catégorie, on peut difficilement trouver mieux. Son nom est devenu une référence incontournable et chaque esthète en a entendu parler, voire même le révère tel qu'il le mérite. Un des plus grands esprits du XXe siècle, allié à un talent virtuose.
Oui, Vladimir Horowitz est un génie.
Anthony Horowitez, lui, est un vulgaire tâcheron (sans vouloir insulter les tâcherons).
Qui a commencé sa "carrière" dans ce machin que l'on ose appeler "littérature" de jeunesse. Voilà déjà quelque chose de bien énervant : de vagues textes, transformés en séries interminables parce qu'une fois le pigeon bien ferré, il faut lui soutirer le maximum de fric. Des trucs commerciaux qui jouent à la fois sur la bêtise quasi illettrée des ados et sur la culpabilité de leurs parents, prêts à tout pour que leurs gosses lise un truc, n'importe quoi, avant de les laisser jouer sur la console jusqu'à minuit et demi, mais pas plus tard, parce que demain, il y a école.
La "littérature " de jeunesse s'enorgueillit généralement de deux belles réussites (Harry Potter et La Croisée des mondes), mais ce ne sont que des arbres qui cachent mal une forêt de stupidité crasse et d'analphabétisme forcené. Ces machins sont à la littérature ce que les productions Luc Besson sont au 7e art.
Après avoir donc sévi dans ce type de productions, Horowitz cherchait à se reconvertir. Il fallait "sortir de son image" et élargir son public. Seulement voilà, comment faire pour convaincre des gens qui ont plus de deux cents mots de vocabulaire ? Comment séduire la populace quand on n'a pas d'idée ?
C'est bien simple, on pique celles des autres !
L'ami Hypérion a fait une formidable liste intitulée Les cancers du rectum de la bande dessinée (http://www.senscritique.com/liste/Les_cancers_du_rectum_de_la_bande_dessinee/142740), où il recense une série de pratiques peu amènes dans l'univers du 9e art. Hélas, bon nombre d'entre elles se pratiquent également dans le monde de la littérature. Ici, nous sommes dans un cas que l'on pourrait qualifier ainsi : "je n'ai aucune idée donc je pique un personnage ultra-connu histoire de m'attirer son public et de faire rentrer le flouze".
Et voilà notre Anthony Horowitz qui s'accoquine avec une improbable société Conan Doyle pour s'approprier le personnage de Sherlock Holmes et en écrire une nouvelle aventure.
L'avantage, quand on reprend le personnage de Holmes, c'est qu'on en reprend également une bonne partie du lectorat, et tout le package qui va avec. Car qui dit Sherlock Holmes dit aussi Docteur Watson, Mrs. Hudson, Lestrade, Mycroft, la Londres victorienne, et tout une organisation du récit déjà faite. Finalement, l'écrivain n'a plus qu'à inventer des détails, la structure de base est déjà fournie par Conan Doyle.
J'ai beau être fan du détective, dont les exploits sont en grande partie responsables de mon goût de la lecture, je suis très tolérant envers les reprises ultérieures, surtout au cinéma, et même si elles ne respectent pas les dispositions originales de Conan Doyle. De La Vie privée de Sherlock Holmes à Meurtre par décret en passant par Le Secret de la Pyramide, les films que j'apprécie sont légions.
Mais il faut quand même pas me prendre pour un jambon ! Horowitz a beau employer le célèbre détective, ça n'excuse pas le grand n'importe quoi du roman. L'histoire mêle sans vergogne trafic de drogue, assassinats et complot national dans un suite d’événements sans liens les uns avec les autres. Horowitz a multiplié les rebondissements pour faire durer son roman (350 pages) au point que ça en devient ridicule. La surabondance de retournements de situation fait que le lecteur se noie dans un récit abracadabrant et dénué de la moindre logique (ce qui est un comble pour du Sherlock Holmes).
De plus, cette succession ininterrompue d'événements permet à l'écrivain d'oublier d'implanter une ambiance, une atmosphère mystérieuse qui nous accrocherait bien. Une histoire de Sherlock Holmes ne contient pas énormément d'événements, mais plonge le lecteur dans une ambiance énigmatique. L'histoire est souvent à la limite du surnaturel avant de se conclure par une explication rationnelle. Chez Horowitz, pas de temps perdu à instaurer une telle atmosphère !
Par contre, on voit bien qu'Horowitz a révisé son Conan Doyle. Le roman est rempli d'allusions directes aux nouvelles et romans de Holmes. Toute une intertextualité faite pour nous convaincre :
1°) que le romancier est LE spécialiste du héros
2°) que ce roman a parfaitement sa place dans le cycle romanesque du détective.
cette façon de procéder est peut-être utile pour rassurer Horowitz lui-même mais est d'une intolérable lourdeur pour le lecteur.
Ma note (01/10) prend en compte mon dégoût envers l'entreprise d'Horowitz. En lui-même, le roman vaudrait éventuellement un 04/10. mais il représente ce que je déteste dans l'édition actuellement.