Ceci est le seul livre de Woody Guthrie. Quelqu'un, Steinbeck, je crois, a carrément dit de lui "je le soupçonne d'être, d'une certaine manière, le peuple", enfin, c'est marqué sur la quatrième de couverture. Le résumé est un peu inexact : "Dans le Texas des années 30, Tike et Ella May, jeune couple d’agriculteurs, ont bien du mal à planter de quoi vivre sur cette terre aride."
C'est pas exactement ça. Il y a bien le Texas, un éperon rocheux nommé Caprock qui sépare les plaines arides du sud des déserts de l'ouest, Tike le fou, Ella May la voix de la raison, leur maison pourrie, la société autour qui veut leur mort parce qu'ils ne vivent pas comme les autres, mais je ne me souviens pas avoir lu qu'ils avaient du mal à planter des trucs.
Non. Woody Guthrie s'intéresse plus aux relations entre ses deux seuls personnages et à leurs rêves. Et il fait des énumérations incroyables, il a dû se dire que plus ses énumérations seraient longues plus il serait respecté comme écrivain.
Le début est super, il décrit très bien le Texas où il a grandi je crois, puis ses deux personnages se mettent à parler. Et je sais pas si c'est à cause de la traduction, mais la façon qu'ils ont de parler, j'y ai pas crû beaucoup. Qu'ils articulent mal et qu'ils utilisent plein de mots déformés dans un patois bizarre, à la limite. Mais les voyelles quintuplées, les ouiiiiiiiii tous les trois mots, ça, purée. En plus ils se posent des questions sur des sujets vachement pointus à côté, des trucs auxquels la plupart des gens ne réfléchissent pas. Ça me faisait un peu penser à des réflexions de poètes à Greenwich Village, enfin, pas encore parce que Greenwich Village ne devait pas exister quand ce livre a été écrit.
Un peu comme si Woody Guthrie voulait faire populaire, exprimer dans un langage très familier les interrogations censées toucher tout le monde. Ça m'a pas beaucoup touché, moi, pourtant j'aurais aimé.
Leur histoire à ces deux-là est touchante, mais le fait qu'ils ne soient que deux tout du long, devient vite étouffant. La réflexion sur ce qu'ils ont du mal à cultiver est intéressante : on ne comprend pas ben de quoi ils vivent. Ils vendent leurs excédents ? Ils cultivent des trucs exprès pour les vendre ?
Sinon leur façon bien à eux d'expliquer la société américaine est très pertinente, une société qui chercher toujours à gagner plus, la plupart du temps sur le dos de son prochain sans jamais l'admettre, les gens disent "chacun sa chance, les meilleurs tirent leur épingle du jeu, je vois pas pourquoi je paierais pour vos échecs". Sauf que voilà, Woody Guthrie l'explique bien, ce système crée des gens à la mentalité exécrable et élimine les Tike et les Ella May du pays.
Vers la fin, l'histoire démarre un peu, Woody Guthrie commence à imposer une vision un peu plus politique des choses par la voix d'Ella May, à mettre de belles envolées dans la bouche de ses personnages. Mais ça s'arrête brutalement. Dommage, ça partait enfin.
Il manquait pas grand chose à ce bouquin pour être un sacré bon bouquin. Il se lit très vite, c'est déjà ça.