La maison du silence est le second roman d'Orhan Pamuk paru en 1983, seulement un an après Cevdet Bey et ses fils. C'est un livre assez court (476 pages dans son édition folio et sa traduction par Münevver Andaç) et comparable en cela à La femme aux cheveux roux par exemple.
Au centre de l'histoire se trouve cette maison du silence. Une vieille maison établie dans une ville imaginaire (Fort-Paradis) devenue station balnéaire (sans doute Eskihisar dans la réalité). Dans cette maison vivent une vieille femme (Fatma) et un nain (Recep) qu'elle déteste, et pourtant qui la sert fidèlement depuis des années. Quel est le lien qui les unit, pourquoi le déteste-t-elle tant et pourquoi reste-t-il à son service ? Fatma passe la plupart de son temps dans la solitude de sa chambre et Recep lui apporte ses plateaux repas. Pendant ce temps elle est seule avec ses pensées, ou plutôt parle à son mari défunt Selahattin. Drôle de personnage que ce Selahattin, qui a décidé de venir s'installer là, et de devenir le médecin du village. Et peu à peu il s'est mis à boire et à devenir de plus en plus fou à travailler comme un forcené sur le projet de sa vie, sa grande encyclopédie... C'est dans ses dialogues avec un fantôme qu'on en apprend peu à peu sur l'histoire de cette femme, de cette maison, de cette famille. Car un événement s'est produit, et cet événement secret, ou secret de polichinelle est à l'origine de la plupart des traumatismes familiaux.
Les trois petits enfants de Fatma, enfants de son fils Dogan défunt lui aussi viennent passer quelques jours dans cette maison de vacances. L'ainé Faruk est un historien désabusé dont la femme l'a quitté et qui passe ses journées aux archives à noter ce qu'il trouve dans un carnet puis se rend à l'épicerie s'acheter une petite bouteille de raki et boit jusqu'à ce qu'il s'endorme. Metin, qui termine le lycée, est amoureux de Ceylan qui vient d'une classe sociale aisée et voudrait partir faire des études aux états-unis, Nilgün, la dernière est encore au lycée et sympathise aux idées communistes, mais un jeune homme avec qui elle jouait quand ils étaient petits n'arrête pas de la suivre ... Ce jeune homme, c'est Hasan, le fils du vendeur de billets de tombola boiteux Ismail qui est aussi le frère du nain Recep. Ce Hasan fréquente une bande d'"Idéalistes", c'est-à-dire les nationalistes membre des Loups Gris ... On sent alors qu'un drame va se produire. Serait-il lié à celui qui s'est produit dans le passé ?
Dans ce roman, Pamuk alterne entre le point de vue de chacun des personnages principaux (qui sont autant d'occasions de changements de style) pour faire avancer l'histoire, comme il le refera plus tard dans Mon nom est rouge par exemple. Un roman de jeunesse dense (Pamuk a 31 ans quand il est publié), plein de force et plein de vie, à classer parmi les grands romans du prix Nobel turc.