Ce livre est une mise en garde et devrait être lu par tout bon scientifique qui se respecte (ou toute personne intéressée par la démarche scientifique ou le racisme). Gould démontre à travers l'histoire scientifique à quel point les sciences sont attachées à un contexte socio-politique et ne peut être réellement indépendantes. La science est faite par les Hommes et ne peut être détachée d'une certaine subjectivité du manipulateur (qu'elle soit consciente ou non).
Ainsi, Gould nous présente les travaux « scientifiques » qui ont, à travers les siècles, promu le racisme en justifiant une classification de l'espèce humaine (ethnie ou genre). Que ce soit, par le calcul de l'air cérébral, par la longueur des membres ou du QI, toutes ont le même point commun : la validation des préjugés des auteurs avant même le début des recherches. Les « tricheries » sont multiples et vont de l'erreur de procédé non remis en question (puisque obtenant le résultat attendu), aux modifications des données ou encore par des justifications d'exceptions toutes plus saugrenues les unes que les autres.
Cependant, il ne faut pas jeter l'opprobre sur ces chercheurs en déconnectant leur recherche du contexte. La découverte de l'âge de la Terre est très récente et pendant de nombreux siècles, les Européens étaient persuadés que les couleurs de peau dérivées toutes du blanc et que les autres ethnies étaient une forme dégénérée. Si on ajoute à cela, l'absence de grandes sociétés découvertes en Afrique, les Européens ont directement classé les Africains comme inférieurs intellectuellement. Il fallait ensuite une validation « scientifique » de ce préjugé. Ce raisonnement est logique même s'il fait grincer des dents de nos jours. En revanche ce qui est répréhensible, c'est l'aveuglement avec lequel les scientifiques ont occultés les évidences contre leur opinion. Le problème majeur en ce qui concerne ces théories, c'est qu'elles sont réutilisées cycliquement jusqu'à encore récemment. C'est pourquoi, il est important de lire ce livre pour limiter l'impact des diverses résurgences de ces théories dangereuses et totalement stupides. Ce n'est pas tout, certaines théories sont tenaces et ont encore des impacts de nos jours comme la théorie du QI. Cette dernière fut créée par un chercheur français pour détecter les enfants ayant des difficultés d'apprentissages. Les USA ont amélioré ces tests et les ont utilisés systématiquement pour évaluer l'intelligence des immigrés et sélectionner les ethnies. Il ressortit de cette « étude » un lien entre pauvreté, immigration et mauvais résultats au test de QI. Ces tests étaient réalisés dans des conditions douteuses et mesuraient surtout l'imprégnation à la culture américaine. Pour preuve, les résultats augmentaient avec le nombre d'années passées aux USA. De cette conclusion, il émergea un préjugé encore très fort aux USA qui affirme que la pauvreté est une conséquence de l'inintelligence et qu'aider les gens pauvres est inutile parce qu'ils méritent leur condition.
Tout ceci est remarquablement présenté et expliqué dans ce livre de Stephen J Gould et mérite une lecture attentive.
Pour conclure, ce livre a été cité dans la bibliothèque idéale d'Axel Khan dans la tête au carré au mois de septembre, il est simplement dommage que ce livre soit si difficile à obtenir. Il mériterait d'être réédité.