La Mandarine

Résumé : "L'amour me donne faim. Est-ce un crime ?" Je ne me lasse pas d'admirer cette attaque si franche. En une ligne, et la première, voilà déjà tout un personnage, vivant, défini, affamé et qui enrage. L'amour me donne faim : je veux tout, tous les bonheurs. Est-ce un crime ? Il ferait beau voir que l'on m'en empêche ! Il y a de la fureur là-dedans. Déjà, nous le savons, cette affamée aura du fil à retordre. Au milieu de tant de romans dont les héros, tristement, chipotent dans leur assiette (et on comprend qu'ils , vu ce qu'ils y trouvent), voici un roman où il y a de l'appétit. Celui des personnages. "Est-ce un crime ?" Celui de l'auteur : on sent bien que, devant ses héros et à les voir vivre, Christine de Rivoyre a eu le bon regard heureux de l'ogresse. C'est le regard du romancier véritable. Appétit du lecteur enfin, par contagion et parce que l'appétit vient à voir manger. Comment ne pas aimer cette grand-mère étonnante, ce frère si réfléchi et cette robuste Séverine, bonne comme le pain (j'entends bonne à manger) avec son grand dos crémeux dans la lumière saumonée de la Mandarine ? Voici un livre salubre. Salubre comme le vent. Salubre comme la mer. Ne parlons pas de morale. L'histoire qu'on nous raconte ici n'est pas morale pour un sou et Mme Boulard y pratique même assez résolument une morale des maîtres, une morale-Boulard, ce qui, comme on sait, est ce qu'il y a de plus immoral au monde. Mais, sur ces eaux tumultueuses, il reste comme une bouée. Il reste une sorte de santé morale. On m'excusera de penser que la santé morale, c'est quelque chose.