Une bio précise et un récit captivant

Une biographie romancée de Marie Madeleine d’Aubray, Marquise de Brinvilliers. S’il n’y a rien à dire sur la véracité des faits relatés, on peut critiquer le mode d’exposition et le peu d’originalité du déroulement de l’intrigue. Notre marquise aurait dû, aurait pu avoir une vie équilibrée et saine mais deux éléments perturbateurs vont l’entraîner dans un enchaînement de causes qui l’amèneront à sa perte : tout d’abord elle est innocente lorsque à 7 ans elle est violée par son prof de dessin, cela forge son caractère rebelle et transgressif. Ensuite elle fait de mauvaises rencontres, un ami qui l’entraîne à investir de l’argent dans des placements incertains et un amant qui la pousse au jeu puis au crime (car il invente une poudre d’arsenic). Devant les difficultés d’argent accumulées et le refus de sa famille de l’aider, elle empoisonne son père puis ses frères pour toucher l’héritage.
Le style laisse voir de multiples inspirations : Balzac pour des descriptions minutieuses des personnages et des lieux, des dialogues brefs et percutants, Zola pour la descente aux enfers dans la débauches et le vice meurtrier d’une âme faible et à la merci du besoin puis dans le repentir des derniers moments. Il y a du Stendhal aussi : la relation amoureuse entre l’abbé précepteur des enfants et la marquise... On aurait aimé un peu y voir Alexandre Dumas car il y a une absence totale d’action ou de combats ne cadre pas avec la présence de plusieurs militaires parmi les personnages. Par ailleurs, l’auteur met l’accent sur les relations amoureuses et érotiques de l’héroïne mais pas trop dans les détails sans doute pour ne pas choquer les lecteurs de France Loisirs ce qui donne à l’ensemble un ton coquin qui ne s ‘assume pas entièrement. C’est globalement bien écrit mais sans originalité, sans recul, sans aucune réflexion critique ni éclaircissement de l’auteur sur les faits historiques abordés, du coup on s’en tient à l’intrigue principale : l’inéluctable fuite en avant dans le crime ... Pourquoi ? La cause de son malheur est toute entière dans cette mauvaise rencontre du professeur qui a abusé d’elle dans son enfance, une cause première d’où découle son dérèglement. L’intrigue prend un nouveau tournant quand la marquise lasse d’être le jouet de Jean Baptiste son amant, cherche à se révolter et à se défaire de son emprise, mais on sent que c’est perdu d’avance et la lutte inégale . Une fois Jean Baptiste mort et la cassette contenant les lettres compromettantes découvertes, on sent que la fin est proche, il faudra attendre quelques années cependant pour que la marquise soit retrouvée puis condamnée. L’auteur met l’accent sur son repentir très chrétien quoique tardif dont on ne peut douter qu’il fut sincère, et je comprends ainsi la dédicace du livre envers le père de la Victoire.
Je me suis pris de sympathie pour ce personnage féminin ambivalent, le récit est bien menée même s’il y a des lourdeurs (descriptions systématiques, longueurs inutiles). Mais le récit est prenant et le point de vue d’une femme sur cette femme donne au livre un ton de sincérité. On l’aurait voulue plus forte encore pour pouvoir s’opposer à son destin criminel, mais, le pouvait-elle ?