Résumer ce livre à ses révélations honteuses sur le tourisme sexuel est assez réducteur me semble-t-il. Est-ce à dire que l'attrait de l'auteur pour les jeunes garçons est moral ou légitime ? Absolument pas. L'auteur ne dit pas autre chose non plus. Tout ce livre ne parle d'ailleurs que de pulsions, de ce cheminement et de cette ambivalence. Il y a longtemps j'avais essayé de lire Les Aigles foudroyés et j'avais abandonné à mon propre étonnement. Le style y était ennuyeux. Plus tard, quand La mauvaise vie est sortie, j'ai vaguement suivi toute la polémique en m'étonnant qu'un homme au patronyme si connu fasse de telles révélations. Que comprendre ? Un suicide médiatique ? Une volonté de ternir un peu plus un nom de famille qui divisait déjà ?
Je dois avouer avoir eu quelques appréhensions en ouvrant ce livre où il est d'emblée question d'exfiltrer un adolescent marocain. L'écriture y était cette fois néanmoins déjà brillante et foncièrement littéraire. J'ai ainsi dévoré ce premier chapitre où un Frédéric Mitterrand adulte parle de sa démarche "d'adoption" d'un jeune adolescent qu'il souhaite ramèner à Paris. On comprend que cela se fait avec la bénédiction de la famille du garçon, qui lui a déjà confié un autre fils. Frédéric Mitterrand dépeint une démarche altruiste et inconsciemment on le soupçonne d'intentions inavouables. A moins que ce ne soit une stratégie pour contrebalancer les fameuses révélations qui n'arrivent qu'en toute fin d'ouvrage ? Difficile quoi qu'il en soi de ne pas avoir quelques suées à chaque ligne en ayant en tête la réputation sulfureuse de l'ouvrage. En soi, je pense la démarche sincère mais je dénonce la polémique qui entoure l'ouvrage, qui du coup biaise sa lecture. A moins que cela justement ne lui donne plus de sel, artistiquement parlant.
Les chapitres se suivent et évoquent davantage une biographie morcelée, très selective, et non linéaire. A quelques exceptions près tout ici tourne autour de l'attrait amoureux de l'auteur pour les hommes. Les figures féminines (des célébrités, les gouvernantes etc...) sont néanmoins présentes pour l'influence ou la facination qu'elles ont pu avoir sur l'auteur, mais généralement avec en toile de fond le spectre des inclinaisons de celui-ci.
Le fameux chapitre (Bird) concernant la Thaïlande n'arrive comme je le disais qu'en fin d'ouvrage. Ceux qui attendaient quelque chose de crapoteux ou de salace seront certainement déçus. Frédéric Mitterrand nous dépeint sa démarche sans langue de bois. Il participe de bonne grace mais sans fierté à une industrie très organisée mais consentie par tout le monde parce que cela est avant tout un commerce. C'est sordide et glauque cela va de soi. C'est parfaitement immoral de son aveux même. C'est la vitrine de ce qui existe partout ailleurs y compris en France comprend-on également. C'est surtout très attrayant pour l'auteur puisque éloigné géographiquement et paradoxalement très facile d'accès.
Résumer l'ouvrage à ce seul chapitre serait je pense très réducteur.
D'un point de vue de la construction et du style c'est indéniablement un très bon livre (j'ai beaucoup aimé le chapitre intitulé "Howard Brookner"). Frédéric Mitterrand se dévoile "littérairement" de façon impudique sans que cela ne tourne à la vulgarité. Il ne s'épargne pas et livre souvent un portrait de lui peu ragoutant et profondement mélancolique. Un livre bien écrit, étonnant, et d'une grande lucidité.