Ah! Nostalgie du combat pour le socialisme universel quand tu nous tiens...
En ouvrant La Mère et connaissant Maxime Gorki, facile de s’attendre à un livre engagé, facile d'avoir raison. On pouvait s'en douter, ce livre sert à l'auteur à exposer ses idées en utilisant un vecteur plus apprécié, plus touffu, plus creusé que le tract ou le discours purement politique. Assurément plus engagé que "Germinal" (Zola) ou "En un combat douteux" (Steinbeck), on y retrouve les mêmes tableaux de vie : la mine et les grèves pour l'un, l'engagement, le combat politique pour l'autre et évidemment, le socialisme.
Gorki tranche sans ambivalence mais sans lourdeur l'humanité en deux camps, bien qu'il n'est même peut être pas permis de qualifier d'humain l'ennemi capitaliste, déshumanisé, anonyme et glaçant. Jamais un nom ne sera posé sur les gendarmes, les juges, les commissaires, les espions, ni même le Tsar, ennemis inconscients du socialisme pur, engrenages d'un système qu'on (re)découvre profondément injuste mais inextricable (?). Les scènes de vie sont poignantes sans sombrer dans le larmoyant malsain, les gendarmes sont violents mais pas sanguinaires, bref un réalisme mordant et engagé au service de la cause socialiste. Les tableaux, les personnages, leurs vies et leurs relations, leurs conversions et leurs combats pour la cause, les discours rendent le livre éminemment appréciable et on se sent petit à petit entraîné par le mouvement.
Evidemment, et comme précisé plus haut, l'engagement fait la force mais aussi la faiblesse du livre. Avec le recul de l'histoire, et la connaissance de l'empoisonnement que subira la révolution Russe succédant temporellement à l'action de ce récit, on ne peut que s'attrister par anticipation. La trop grande motivation générale (mais entraînante) des personnages à se battre pour un combat dont on connait déjà l'issu (en tout cas en Russie) et peut être le manque de débats entre les différents personnages principaux, apportent une légère touche d'amertume à un ensemble cependant très admirable.