La mort d'Ivan Illitch - et autres récits (1851-1885) par Frédéric_Chaumont

Il y a quand même une unité thématique dans ce recueil construit de façon chronologique : le thème de la mort ou celui d'une angoisse existentielle qui se retrouve presque dans chaque nouvelle, quand bien même ce serait en arrière-plan. A un moment donné de sa vie Tolstoï a eu la sensation aiguë de la précarité de sa condition - et de la condition de tous les hommes bien que beaucoup s'évertuent, hier comme aujourd'hui, à chasser cette désagréable idée de leur conscience.
Il n'a cessé ensuite de tenter d'éveiller (ou réveiller) les consciences de ses contemporains, et les nôtres par delà les décennies. Jusque-là (1885) nul autre récit que "La mort d'Ivan Ilich" ne tenta, à ma connaissance, d'approcher au plus près, de ce phénomène qu'est la mort d'un point de vue qui peut être qualifié d' "objectif" (c'est-à-dire, dans une optique qui n'est ni religieuse, ni à proprement parler philosophique - dans ces deux cas il y a des précédents).

C'est Ivan IIitch - et le lecteur avec lui - qui prend conscience à un moment de sa maladie et s'interroge : "Je n'existerai plus, mais qu'est-ce qui existera ? Rien n'existera. Et moi, où serai-je, quand je n'existerai plus ? C'est cela la mort ? Non, je n'en veux pas." Mais Ivan Ilich est un homme et donc il doit mourir, comme meurent, bien que de façons fort différentes, les trois protagonistes, de la nouvelle intitulée "Trois morts", comme mourra le cheval Kholstomier : et dans cette nouvelle, les ultimes pages témoignent de l'intensité de la conscience du monde sensible qui l'entourait, un monde qui ne se limitait pas aux humains mais englobait la totalité de ce qui vivait, qui a pu être celle de Lev Tolstoï.