Dès la note de l'auteur, tout est dit : l'intrigue se déroule à Thèbes, sous l'Égypte ancienne, mais la période et le lieu importent peu. Il ne s'agit pas ici d'un roman policier à tendance historique. Comme Agatha Christie ne nous a jamais habitués à décrire, et encore moins à analyser, la société et l'époque qui servent de décor à ses romans - sauf à utiliser quelques clichés un rien usés et caractéristiques d'un esprit pour le moins conservateur -, nous ne serons donc pas déstabilisés. "La mort n'est pas une fin", c'est bien du Agatha Christie pur jus.


Nous allons donc être plongés dans une histoire typique d'une certaine catégorie de ses romans : celle du conflit familial, et, plus précisément, du conflit entre un père et ses fils. "Une poignée de seigle" est un bon exemple du genre. Ici, Renisenb, l'héroïne, revient vivre chez son père après la mort de son mari, retrouvant ses trois frères, ses deux belles-sœurs, sa grand-mère et Hori le scribe. Or Imothep, le chef de famille, a décidé de prendre une très jeune (encore plus jeune que sa fille) et très belle concubine, choix qui amène la discorde au sein de la cellule familiale. Jusqu'à ce que Nofret, la concubine, meure, apparemment accidentellement. Suit une seconde mort, puis une troisième, puis encore une autre...


C'est là que réside l'originalité de ce roman. Jamais, je crois, Agatha Christie n'avait poussé le nombre de morts aussi loin (sept, en tout), introduisant la figure d'un(e) tueur(se) en série. Jamais non plus elle n'avait autant utilisé les mots "evil" (mal) et "rotten" (pourri), qui reviennent pourtant régulièrement dans ses autres romans, notamment dans la bouche de Poirot ou de Miss Marple. On avait déjà pu remarquer qu'elle associait volontiers la notion de "evil" au soleil et à la chaleur. Peut-est-ce là la véritable raison du choix de l'Égypte ancienne comme contexte. "La mort n'est pas une fin" est un roman sur le mal qui grandit et se propage dans un individu ; on peut d'ailleurs noter une certaine parenté, sur ce point, avec "La nuit qui ne finit pas". Mais c'est aussi une réflexion sur la mort et la vie - l'aspect philosophique est clairement assumée.


Pour autant, Agatha Christie n'est pas Georges Bataille et l'analyse du mal, comme celle du sens de la vie et de la mort, s'avère assez superficielle. de plus, j'avais le souvenir d'une première lecture, datant d'une quinzaine d'années, au cours de laquelle j'avais trouvé l'héroïne sympathique et Hori le scribe absolument charmant. Je dois bien avouer qu'aujourd'hui Renisenb me paraît fade et nunuche, et Hori péniblement moralisateur. En revanche, j'ai redécouvert avec plaisir le personnage d'Esa, la grand-mère observatrice et particulièrement maligne. L'intrigue, forcément, ne m'a pas tenue autant en haleine que la première fois, mais cette série de meurtres qui semble ne jamais devoir finir vaut le détour pour son côté inédit dans l’œuvre de l'auteur.


J'ajoute pour finir qu'il s'agit là d'un roman assez triste : mais à ça, Agatha Christie nous avait déjà habitués.

Cthulie-la-Mignonne
6

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le 27 juil. 2015

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