La Naissance des seins

Résumé : Comme nous sommes nus ! Mais qu'est-ce donc qui borde et qui porte notre nudité au-devant de tous et de tout ? Qu'est-ce qui trahit (comme on dit), toujours et sans cesse, les jugements et les tracés les plus secrets de notre schématisme intime, et que nous ne connaissons même pas ? Qu'est-ce qui ouvre ce qui nous est à nous-même fermé, comme cette cicatrice entre mes seins, sous laquelle on me dit qu'on a greffé un cœur ? Quelle caresse d'une intrusion silencieuse dénude le sein jusqu'au cœur ? Avant de faire image, « la naissance des seins » ne doit décrire ou indiquer rien d'autre : une réserve, une retenue qui porte la possibilité, et peut-être la nécessité d'un retrait, d'une abstention, la retenue qui permet la lancée. Comment parler sans parler d'aucun objet ? Comment passer du côté de la chose - là où toujours elle nous devance, toujours déjà là, portée en avant -, comment passer de son côté et à son côté, pour épouser son mouvement, le mode exact de sa présence, non pas sa représentation - le mode de sa prévenance ? Comment passer, par conséquent, avec la langue à même la chose, comment la toucher, la tenir, la manier, la peser et la préserver afin de la donner à elle-même, afin de la laisser, la chose, enfin elle-même nue - mais d'une nudité qui soit identiquement son dire ? Dire le sein nu, dire « le sein nu ».