Ce premier roman de Della Owens est un coup d’éclat. Là où chantent les écrevisses allie la description naturaliste d’un état américain pas véritablement connu dans sa partie marécageuse ( la Caroline du Nord) et une histoire pas si banale de dénigrement d’une communauté. Ce dernier commence très tôt lorsque Catherine Clark ( dite Kya) va devoir vivre seule, abandonnée un à un par les membres de sa famille.Pauvre, sale et non éduquée, elle découvre très tôt que la communauté de Barkley Cove la rejette et projette sur elle ses peurs et ses bassesses.D’emblée, le lecteur est pris par l’ambiance malsaine de ce microcosme rural où la communauté noire est déjà mise au ban de la société. C’est pourtant chez des gens de couleur que Kya trouve d’abord ses premiers soutiens et une affection salutaire.Au delà de sa condition peu enviable, la petite fille va apprendre à vivre seule et à se forger une identité où son environnement naturel ( les oiseaux et la faune) va la porter tout au long de son existence.Des rencontres seront déterminantes pour provoquer son équilibre ou d’autres douleurs. Ce qui importe dans Là où chantent les écrevisses. c’est comment la jeune femme va surnager pour s’élever spirituellement et survivre à des renoncements humains successifs et ne plus trop compter sur une communauté ( dont elle se rend compte que certains fonctionnements sont aussi cruels que des comportements de survie chez les animaux). Entre clairs et obscurs, Della Owens oppose aussi la splendeur d’une nature ( réconfortante et jamais décevante pour Kya) à la société ( impitoyable et sclérosée pour elle).Le découpage du livre est également intéressant avec une progression alternée entre une chronologie situant les faits entre 1950 et 1969 et une autre partant de 1969 où un meurtre a été commis sur un jeune homme de Barkley Cove.Graduellement, le lecteur découvre la raison de cet enchevêtrement narratif et pourquoi il est nécessaire de faire rejoindre les deux récits. J’ai beaucoup aimé ce livre pour l’étendue de ses points de vue, sa conscience écologique et sur le fait implacable que l’homme, de tous temps, est aussi capable du meilleur comme du pire. Je me demande aussi si la force d’évocation du livre aurait été si grande si il avait été écrit par un écrivain homme.En tous cas, ce voyage de près de 460 pages, fut autant un ravissement qu’un nouvel éclairage sur la faiblesse humaine. Et Della Owens mérite indéniablement tous les louanges et les considérations sur la richesse de son ouvrage.