La part du sarrasin Magyd Cherfi Actes sud
1981. En France, cette date est synonyme quasi de révolution politique. En mai de cette année, avec l’élection présidentielle et la victoire de François Mitterrand, les adversaires du natif de Jarnac imaginaient voir débarquer les chars russes sur les Champs-Elysées à compter de juin. Mais Tonton, en stratège, a joué une partie d’échecs dangereuse pour désarçonner la droite ; se servir du Front National, faire monter le parti extrême et son leader Jean-Marie le Pen avec ses discours anti-immigrés que touhent un bon nombre de français issus de l’immigration à commencer par Magyd Cherfi qui livre son récit dans « la part du sarrasin », paru chez Actes sud.
Le Madge a quitté le nid familial, pas en très bons termes. Il fait de la musique, du rock, pas celle qu’on attend qu’il fasse, lui l’Arabe qui a eu son bac, le passionné de littérature et de chanson française. Il a quitté le quartier mais ne peut s’empêcher d’y retourner. Avec Pierrick, Djibou, ses acolytes, mais aussi Hélène et Riton, il tente de faire évoluer les représentations à son modeste niveau sans oublier ses combats. Mais le climat ambiant de montée du FN et de son arrivée à l’Assemblée Nationale n’est pas propice aux changements qu’il désirait.
Magyd Cherfi, chanteur de Zebda, poursuit son récit introspectif avec ici le début de sa vie d’adulte, de conscientisation politique et de déboires idéologiques, communautaires ou amoureux. Il n’est pas tendre avec celles et ceux qui ont jallonés cette période mais il est surtout dur avec lui-même et c’est ce qui faut de ce récit un témoignage coup de poing prenant de ces années 80 en province pour un arabe qui veut être avant tout vu comme le français qu’il est. Magyd Cherfi questionne avec humour parfois, gravité de temps en temps, et sans pincettes souvent le poids des représentations, de la religion, les éléments constitutifs d’une identité. Là où il est totalement crédible, c’est qu’il ne se revendique pas un titre de chevalier blanc. Il faut apparaître sans retenue ses failles, doutes, contradictions , tout cela dans une langue qui ravit le lecteur à chaque page. La part du sarrasin pourrait presque être classé comme un récit socio-historique mais ce serait nié à Magyd Cherfi le statut d’écrivain qu’il a sans aucun doute.