Wittig dynamite le mythe de la-femme. D'un geste, elle dévoile la fabrique hétérosexuelle de l'aliénation, la fameuse pensée straight, la pensée qui va de soi et assigne les individus à leur sexe pour pouvoir les contrôler. De l'autre, son féminisme matérialiste appelle à la destruction du genre, et pour cela elle exhorte les femmes à ne pas se conforter dans leur sexe. Une autre voie est possible leur dit-elle : c'est le lesbianisme. Les lesbiennes ne sont pas des femmes. Les lesbiennes ne sont pas des femmes car elles ne se définissent pas par rapport aux hommes. Elles ne sont pas l'autre de l'homme : la-femme, mais une société s'organisant sans les hommes et contre le pouvoir patriarcal et hétérosexuel hégémonique. Et c'est pourquoi la guérillère lance une insurrection contre la linguistique, la psychanalyse, la philosophie, l'anthropologie, et toutes les sciences humaines qui refusent de questionner l'hétérosexualité, la dualité aristotélicienne qui les caractérise.
Les essais regroupés dans la seconde partie de l'ouvrage investissent le champ littéraire. Après tout, Monique Wittig est avant tout un écrivain, dont le travail tourne autour des pronoms personnels, et la création de nouveaux universels mineurs à l'image du "elles" des Guérillères, ou des homosexuels masqués chez Proust. On découvre alors une pensée volcanique, s'avançant à pas feutrés avec la lourdeur du magma en ébullition, engloutissant dans son sillage tout ce qu'on pensait savoir sur le genre dans le langage, l'écriture féminine, ou encore la littérature mineure.