Elle est une bonniche, une bonne à tout faire, elle déteste le travail mal fait, bâclé, elle déteste les reproches. Globalement ses employeurs sont contents, elle est ponctuelle, discrète, efficace. Elle rêve juste de s'acheter une bicyclette rouge ou verte, avec une sonnette et un porte-bagages pour mettre les brosses, les produits, les chiffons. Elle entre au service des Daniel, lui est un être disloqué, elle une femme désespérée.
Alexandrine veut s'éloigner de cette maison sinistre qui pue le deuil, ça fait si longtemps qu'elle est invisible, ce n'est plus une épouse, mais une simple infirmière.
Blaise, la nuit, il rêve à son ancienne vie de pianiste, il avait de l'or à la place des doigts. Il contemple les deux pinces déformées qui lui tiennent lieu aujourd'hui, de membres supérieurs. Les cuisses coupées aux genoux, il a tout perdu l'été 1916, dans la Somme, son autonomie, son corps, il n'a plus de poings à serrer, juste un tronc qui sanglote. Il doit lutter contre le dégoût qu'il ressent pour lui-même.
La blessure de la petite bonne est invisible, c'est son secret lourd à porter.
De temps en temps, au milieu de toutes les publications, apparait un Ovni littéraire. « La petite bonne » est un roman magnifique par le sujet abordé, par l'humanité des personnages et surtout par sa construction très originale, puisqu'à chacun des personnages correspond un style d'écriture. Si j'ai été un peu dérouté par les premières pages en vers libres, rapidement j'ai été sous le charme. Avec sa plume poétique et sensible, Bérénice Pichat nous fait entrer littéralement dans l'âme de ses trois personnages, dans leurs tourments. le propos est sombre et pourtant il ressort de ce récit une légèreté toute musicale due au style alternant prose et vers libres.
Un gros coup de cœur.