"Je m’appelle Fatima Daas. Je suis la mazoziya, la petite dernière. Celle à laquelle on ne s’est pas préparé. Française d’origine algérienne. Musulmane pratiquante. Clichoise qui passe plus de trois heures par jour dans les transports. Une touriste. Une banlieusarde qui observe les comportements parisiens. Je suis une menteuse, une pécheresse. Adolescente, je suis une élève instable. Adulte, je suis hyper-inadaptée. J’écris des histoires pour éviter de vivre la mienne. J’ai fait quatre ans de thérapie. C’est ma plus longue relation. L’amour, c’était tabou à la maison, les marques de tendresse, la sexualité aussi. Je me croyais polyamoureuse. Lorsque Nina a débarqué dans ma vie, je ne savais plus du tout ce dont j’avais besoin et ce qu’il me manquait. Je m’appelle Fatima Daas. Je ne sais pas si je porte bien mon prénom."
J'en avais pas mal entendu parler (très bonne interview dans La Poudre) et c'est recommandé par Despentes, donc j'en attendais beaucoup. Je ne suis pas déçue, sans être non plus émerveillée.
Les plus d'abord: une écriture à la fois tendre et sans détours, avec une qualité psalmodique créée par la répétition, au début de chaque (courte) section, de "Je m'appelle Fatima Daas". Je suis intriguée par cet alter ego que s'est construite l'autrice, qui écrit sous pseudo. Elle brouille les pistes dans ce roman qui n'est pas un récit autobiographique mais un peu quand même.
Le plus intéressant, et les médias n'ont pas manqué de le relever (souvent pour le caricaturer), c'est son rapport à sa foi musulmane et son identité de lesbienne. Des deux, c'est l'islam qui va de soi, ce qui la conduit parfois à tenter d'assourdir ou d'effacer le reste; pourtant, ses désirs et ses amours prennent une place immense dont elle ne s'excuse jamais. Il y a aussi une réflexion intéressante sur la maladie (asthme sévère) et le rapport à un corps qui lui échappe et la met en danger.
J'avoue être restée un peu sur ma faim, mais cela fait sûrement partie de la beauté de ce récit ouvert et de ce personnage en devenir. L'autrice se plaint en interview qu'on refuse à son livre le statut de roman et qu'on la confonde avec son personnage; sur ce point, je reste un peu perplexe car il n'est jamais précisé qu'elle écrit sous pseudonyme et tout porte à croire, au contraire, qu'on est dans la plus pure écriture de soi. Ce n'est pas un problème en soi, c'est même intéressant autant qu'intrigant, mais cela laisse peu de prise au finale. Je suis très très curieuse de voir ce qu'elle proposera ensuite.