Je lis rarement des trucs estampillés « young adult ». Ce n'est pas que l'étiquette me repousse, c'est seulement que mon attention est plus souvent dirigée ailleurs. Mais en ce moment, j'ai deux heures de train par jour à meubler, l'UICN envisage d'ajouter les livres non lus dans ma bibliothèque à sa liste rouge des espèces en voie de disparition, et cette Reine de Cendres (la nouvelle édition a changé de titre, allez savoir pourquoi, il n'est pas question de cendres le moins du monde dans ce livre) traînait à la maison, du coup, pourquoi pas ?
Je vais vous le dire, pourquoi pas : parce que c'est un mauvais bouquin. Et même pas le genre de mauvais distrayant qui fait marrer, juste le genre de mauvais horripilant qui vous donne envie d'aller chier sur le paillasson de l'éditeur.
Par quoi commencer ? Par l'héroïne, Kelsea ? C'est fou, j'ai lu beaucoup de livres (974 d'après SC, qui exagère sans doute un peu), mais je crois que c'est la première fois que je tombe sur cet animal légendaire que tout le monde connaît : la Mary Sue. Qu'on se le dise, je n'ai rien contre le fait qu'un auteur mette beaucoup de soi dans son personnage principal, mais quand ça le conduit à donner naissance à une jeune fille au lignage prestigieux, mais modeste et humble et pleine de sagesse, qui fait toujours les bons choix et que tout le monde admire (sauf les méchants, c'est pour ça qu'ils sont méchants), ça n'incite pas particulièrement à se sentir concerné par ses tribulations.
Surtout quand ce personnage évolue dans un univers aussi mal branlé que celui du Tear. La carte en début de livre, fade à en chialer, n'augurait déjà rien de bon de ce point de vue-là, avec ses sempiternelles chaînes de montagnes, forêts, routes et rivières, mais le pire était encore à venir, puisqu'on retrouve l'éternelle lutte entre les gentils du Tear et les méchants du Mortemesne. D'un côté, il y a les gentils qui sont vraiment très gentils et qui ne demanderaient rien de mieux que de vivre tranquilles, mais il faut toujours qu'il y ait des méchants très méchants qui veulent absolument détenir le Pouvoir, tout le Pouvoir, et qui n'ont de cesse de vouloir soumettre les gentils à leur Pouvoir (comment ? des motivations pertinentes pour les méchants ? hahaha). Ah oui et la plupart sont pédophiles aussi, c'est un bon moyen de les rendre horribles sans trop se fouler.
Bon, en soi, tout ça c'est follement cliché et pas qu'un peu naïf, mais passe encore. Ce qui fait basculer le cadre dans le débile complet, c'est d'avoir voulu en faire une dystopie futuriste. Car oui, Tear et Mortemesne sont des pays fondés par des colons venus d'Europe et d'Amérique dans un futur plus ou moins éloigné de notre présent. Et vous pourrez bien vous demander comment leur civilisation a pu régresser au point de retomber dans une sorte de Moyen Âge fantaisiste, avec ses chevaliers en armure, ses serfs oppressés par une noblesse décadente et son Église catholique toute-puissante et toute-coincée du cul (tellement cliché que même un agnostique comme moi en a eu envie d'aller voir le curé de sa paroisse pour s'excuser au nom d'Erika Johansen), la réponse n'est pas dans ce livre. Ça vaut peut être mieux, tant les aperçus que l'on peut avoir de la « Traversée » des colons n'ont aucun sens. Par exemple, les colons du Tear comptaient dans leurs rangs des médecins, mais ils étaient tous ensemble dans un seul et unique bateau (ok, c'est pas très malin) qui a coulé (ok, c'est ballot) et du coup plusieurs siècles plus tard il n'y a toujours aucun médecin dans tout le royaume de Tear (ok, attends, quoi ?). Par contre, y en a plein dans le royaume d'à côté, d'ailleurs ils savent toujours ce qu'est la génétique et la chirurgie esthétique. Mais bien sûr. Et la marmotte, elle met la suspension consentie de l'incrédulité dans le papier d'alu.
Mince, la fantasy, c'est ouvrir le champ des possibles, c'est laisser libre cours à ses idées les plus folles ! Si le mieux que tu puisses faire, c'est « alors c'est dans le futur et le monde est revenu à un niveau de vie médiéval, mais y a encore des trucs modernes parce que j'ai pas trois sous d'imagination » (un personnage fume des cigarettes et d'autres lisent Tolkien ou Rowling, clin d'œil balourd à deux auteurs bien plus talentueux), mince, faut pas écrire de la fantasy, faut se lancer dans la comptabilité, je sais pas, moi. Tout au long de ma lecture j'ai eu cette séquence d'une vieille vidéo de Lindsay Ellis dans la tête et je suis bien content que quelqu'un en ait fait un GIF animé parce que ça résume à merveille mon avis sur ce truc et donc je vais vous laisser là-dessus et aller m'étendre un peu.
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