Ce roman met en scène un couple formé par Suzy et Nick Lansing, pauvres parmi les riches. Les liens qui les unissent (ceux du mariage) ne doivent être que temporaires. En effet, leur union est fondée sur une "entente" quelque peu singulière: chacun pourra quand il le souhaitera renoncer à l'autre et à ses vœux si une opportunité présentant un meilleur avenir (financier) se profile. So romantic! Ces deux-là qui semblent pourtant s'aimer d'un amour véritable n'ont pas trouvé meilleure idée que de se marier et de vivre, en attendant l'occasion en or, aux crochets de leurs relations.
Suzy est la tête pensante du couple, elle multiplie les calculs et échafaude des plans afin de fournir la vie la plus agréable possible à son mari. Une vraie reine de la logistique pique-assiette qui ébauche des rétroplanning de l'incruste comme personne. Ils vivent un temps dans ce paradis illusoire, passent leur lune de miel dans une villa de Côme avant de rejoindre Venise. Oui mais voilà on a rien sans rien et ces faveurs accordées par leurs protecteurs prennent souvent l'allure de servitude et cachent parfois un revers de la médaille peu reluisant. C'est ce qu'il va se passer dans la cité des Doges où le séjour des amoureux va tourner en eau de boudin. Faut-il choisir de vivre heureux mais sans le sou ou de faire un mariage arrangé mais qui promet une vie sans souci? Faut-il accepter les mensonges et les hypocrisies, fermer les yeux sur les relations amorales et entretenir des amitiés intéressées?
These are the questions.
Questions qui vont entrainer nos protagonistes sur les voies d'un cheminement moral où chacun évoluera à son rythme. Nick réagira plus rapidement pour se (re)tourner vers d'autres aspirations, écœuré par les manigances qui leur permettent cette autonomie dorée momentanée. Il endosse ainsi dans un premier temps le rôle du "gentil" alors que cette calculatrice de Suzy demeure plutôt antipathique malgré les questionnements qui finissent par l'assaillir progressivement. Bon en vérité ce n'est pas aussi simple. Il faut compter, comme souvent chez Edith Wharton, avec les non-dits, les malentendus et les caprices du destin. Et puis Suzy est-elle vraiment si déterminée et aveuglée?
Edith Wharton dépeint ici la vanité et la superficialité de la haute société new-yorkaise qu'elle connait si bien et qui pourrait se résumer aux mondanités qui l'animent et à l'hypocrisie qui l'alimente, avec en fil directeur la difficulté d’émancipation de la femme. J'ai trouvé que le livre présentait quelques longueurs et avec le recul je le trouve davantage convenu et optimiste que les autres romans. Edith Wharton y fait montre de beaucoup de compassion pour son héroïne.