Télévision est un roman écrit en 1997 par Jean Philippe Toussaint. Ce livre raconte le quotidien d’un homme qui décide de ne pas passer ses vacances d’été avec sa famille mais plutôt de rester à Berlin en Allemagne afin de mener à bien son étude sur Titien Vecellio. Il en profite alors pour essayer d’arrêter de regarder la télévision.
La première phrase du roman étant « j’ai arrêté de regarder la télévision », on entre assez rapidement dans le quotidien du personnage. Solitaire, sa vie se résume à l’étude qu’il tente de commencer et à ses activités quotidiennes (ce qui lui permet de s’évader et de son travail et de la télévision)
Plusieurs fois dans le roman, on peut lire diverses comparaisons de l’objet et du phénomène que représente la télévision avec quelque chose qui permet de « nous tenir en éveil de façon artificielle », ou comme « nuisance de la création artistique » comme une drogue pour laquelle on ressent « un manque », un criminel qu’il faut tuer («continuant à tirer à bout portant sur le téléviseur», « appuyant sur la détente », « comme du sang »), ou alors comme une « maladie grave »
Beaucoup de passages du livre ne concernent pas la télévision, mais plutôt des éléments de la vie quotidienne du narrateur : quand il va à la piscine, quand il va se promener dans les parcs de Berlin, quand il va visiter un musée, lorsqu’il voit ses amis, quand il va arroser les plantes de ses voisins. Mais, si l’on s’intéresse uniquement aux passages relatifs à la télévision, on peut noter une évolution dans la volonté du personnage, peut être pour mettre en avant le côté chronophage de la télévision. Au début c’est « j’ai arrêté de regarder la télévision » et « c’était fini, j’avais éteint le téléviseur et je ne bougeais plus dans le canapé » ce qui marque une réelle volonté. Puis nous est rapporté l’attitude du personnage : « en continuant à regarder le téléviseur éteint en face de moi ». Même éteint, c’est plus fort que lui, cet objet semble le fasciner et il ne peut s’empêcher de savoir devant pour le regarder, même éteint. Puis à peine trois pages plus loin : « j’eus envie d’allumer la télévision ». À la page 128, il est dans l’appartement de ses voisins, allume la télévision car selon lui, « arrêter de regarder la télévision ne s’appliquait nullement en dehors de chez moi ». Enfin, il se demande même « pour quelles raisons j’avais fini par arrêter de regarder la télévision ». Ainsi le personnage change de discours, dorénavant, il estime qu’il peut se permettre de la regarder s’il se trouve « par exemple un soir chez des amis ». D’ailleurs lorsqu’il se trouve chez Ursula, c’est ce qui arrive. Le contrat qu’il s’est fixé avec lui même n’est plus respecté.
En fait l’image véhiculée par ce livre concernant la télévision est assez négative. À la base, on peut penser que ce média permet de rassembler, on regarde la télévision en famille comme chez la famille d’Ursula, c’est convivial. Hors ici, avec les diverses représentations de la télévision qu’on a vues plus haut, cela devient presque malsain. En effet, on peut passer des heures devant, à regarder mais au final il ne se passe rien. La télévision empêche de profiter des loisirs que nous offre le monde réel. En arrêtant la télévision, cela permet de se donner plus de temps pour profiter et être actif. C’est ce que le personnage essaie de faire en occupant ses journées avec des choses simples, des activités quotidiennes qui apportent du plaisir : aller se baigner, voir des amis, se promener… Mais au fur et à mesure il a l’air se s’en lasser et revient ainsi toujours inévitablement vers la télévision. Encore une fois, son addiction à la télévision est la même qu’il pourrait avoir avec une drogue.
Même si le personnage veut se détacher de la télévision, il est en vérité fasciné par l’objet. Alors qu’il est sensé ne plus s’occuper de la télévision, elle occupe sans cesse ses pensées. Le personnage pense souvent à tous les gens qui pourraient la regarder à un moment T, réalise « une expérience étrange » en regardant la télévision (p.102), ou alors observe par le vis à vis des immeubles les écrans allumés dans les appartements d’en face. D’ailleurs ce dernier aspect est essentiel puisque Philippe Toussaint passe d’une critique d’un comportement individuel à une critique sociale collective.
En effet l’homme qu’on suit n’est pas le seul dans cette situation. La télévision est partout et tout le monde est touché, impacté par ce qu’elle représente. Un intellectuel (lui), sa femme et son fils, un couple qui aime les plantes (ses voisins), une famille (celle d’Ursula), son ami (John Dory) tous ces gens de l’immeuble d’en face sont autant de personnes qui regardent la télévision, alors que certains ne le reconnaissent pas forcément : («oui nous non plus on ne la regarde pas tellement ici » lui disait Delon. De plus « John me disait que lui non plus ne la regardait pas » p.117) Est ce parce qu’ils n’assument pas ? Ou parce qu’ils ne peuvent se l’avouer à eux même ?
Les dernières pages du livre m’ont beaucoup marquée. Dans un sens, elles reflètent ce que la télévision est devenue aujourd’hui. Les individus sont séparés : la femme dans la chambre, regardant le poste tout en faisant autre chose en même temps, le fils avec ses dessin animé, la voisine au dessus qui regarde son mari via la télévision, qui n’est donc avec elle que par cet intermédiaire à ce moment la, et le personnage principal alors avec le sentiment d’être coincé entre tous ces téléviseurs. L’image est assez forte et révélatrice de la solitude que peut entraîner la télévision.
On reste sur la fin. Alors qu’au début la première phrase semble montrer une volonté certaine, la dernière scène sur laquelle se ferme le livre présente le narrateur et sa femme en train de s’endormir devant « la clarté laiteuse qui émanait toujours du téléviseur resté allumé sur la chaise » (p.223). Le narrateur serait donc retombé. Le livre se clôt donc sur un échec, le personnage n’a pas réussi à accomplir son objectif. Par ce procédé et cette situation symbolique, nous, les lecteurs réalisons qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible d’arrêter de regarder la télévision après avoir commencé.
C’est long à lire, et j’ai trouvé que l’auteur s’attache trop à des détails qui paraissent inutiles dans l’avancée de l’intrigue. Pour être honnête, peut être que la seule chose qui m’a vraiment captivé c’est l’histoire des plantes que le narrateur a oublié d’arroser pour ses voisins. J’ai trouvé la situation assez drôle le moment où les voisins rentrent et que le personnage essaie de rattraper ses bêtises. Sinon, les références à la télévision sont certes nombreuses, assez pessimistes et négatives comme nous l’avons vu plus haut, mais ça ne semble pas être le sujet central. Même si finalement il l’est puisque c’est le récit du quotidien et des occupations qu’un homme fait à la place de passer du temps à regarder la télévision. Assez subtil. Au final, je pense que c’est le genre de livre qu’il est intéressant d’étudier ou alors d’en discuter mais qui se révèle néanmoins assez pénible à lire puisque l’enchainement des activités quotidiennes du personnage, avec quelques retours en arrière et des pages en référence à la télévision.
Juliettee
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le 11 mars 2015

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Juliettee

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