« Les flammes d’un incendie que seul un flot de sang peut éteindre »

Les origines de la fameuse règle des deux, un maître et son apprenti, narrées par Drew Karpyshyn, scénariste majeur du studio canadien de développement Bioware pour des références des jeux de rôle occidentaux tels que Baldur’s Gate, Mass Effect ou encore Star Wars Knight of the Old Republic, voilà qui avait de quoi beaucoup m’intéresser a priori. Le premier ouvrage de cette trilogie, La voie de la destruction, raconte donc les origines de Dark Bane, devenu l’un des Siths les plus influents dans l’histoire de son ordre en instaurant cette fameuse règle de laquelle sera issue la philosophie de Darth Sidious dans les films.


Déjà, il est à noter que la promesse de centrer le récit sur un personnage est plus que respectée puisque l’on suit tout son parcours avec très peu de passages annexes où il n’est pas présent. Introduit comme un mineur quasiment esclave de la République, contraint à l’exil de par un abus de pouvoir d’un soldat ivre, c’est déjà une bonne manière de mettre à mal le manichéisme Sith et Jedi, Empire et République, puisque la République récolte ce qu’elle sème en raison de son arrogance et de sa cupidité, pas franchement les caractéristiques habituelles d’un bon camp.


Sans cela, Bane n’aurait probablement jamais été mêlé à tout ça, c’est par nécessité qu’il est devenu un soldat des Sith. C’est une introduction très efficace qui laisse assez vite la place à une action assez importante alors que Bane se démarque par son instinct, ses talents et son charisme pour progresser dans l’armée jusqu’à attirer l’attention des Siths qu’il finit par rejoindre en tant qu’apprenti. Ça permet aussi de justifier des grandes batailles assez vite dans le récit qui rendent impossible l’ennui tant elles sont bien décrites et assez dantesques dans les effectifs des belligérants.


J’ai beaucoup aimé l’aspect stratégique réellement développé pour ces batailles mêlées au caractère exceptionnel des Siths et Jedis et comment ils peuvent changer le déroulement de ces conflits à eux-seuls par leur maîtrise de la Force leur conférant des pouvoirs assez variés, comme la motivation des troupes impactée par les méditations dont les adeptes deviennent les points clefs de l’armée déployée. Tout ça constitue une introduction en deux temps qui pourrait vite devenir rébarbative de par le concept, mais ce laps de temps pris pour développer le personnage avant qu’il ne prenne conscience de ce qu’est la Force est très intéressant et bien rythmé.


C’est aussi l’occasion d’aborder des thématiques et des perspectives sous-jacentes mais pas toujours très exploitées dans l’univers Star Wars, comme les conditions dans lesquelles l’armement est produit et en quoi la guerre ne fait pas des ravages que sur les champs de batailles, l’existence de grandes firmes commerciales véritables profiteurs de guerre, l’adhésion à un corps militaire par tant par conviction pour la cause attachée que par un malheureux concours de circonstances… Et même si ces thématiques finissent par être écartées, elles ont quand même le temps de s’installer a minima et de marquer ce temps du récit avant d’attaquer le vif du sujet avec l’apprentissage du Côté Obscur de la Force.


La découverte de la philosophie Sith en vigueur à travers un apprentissage complet est évidemment un procédé des plus classiques mais aussi des plus efficaces pour instaurer et faire comprendre toutes ces règles bien particulières, contraires à celles des Jedis avec cette philosophie de base qui est de laisser des émotions et passions se déchaîner pour augmenter son pouvoir, là où les Jedis parlent toujours de les contrôler, voire de les saper. La devise Sith apprise par cœur dans un premier temps, puis réinterprétée différemment l’annonce très bien.



La paix est un mensonge, il n'y a que la passion.
Par la passion, j'ai la puissance.
Par la puissance, j'ai le pouvoir.
Par le pouvoir, j'ai la victoire.
Par la victoire, je brise mes chaînes.



Ce deuxième tiers du livre est surtout en fait un prologue à un conflit idéologique entre faire taire les rivalités des Siths pour qu’ils soient unis et rendent leur camp plus fort par leur nombre et à l’inverse entretenir leur rivalité pour qu’ils soient toujours plus forts et plus rusés, même si ça revient à amener leur ordre au bord de l’extinction. Et là où ça devient génial c’est que c’est mis en relation avec les Jedis qui ont ce même conflit idéologique quand ils se demandent si le recours à leurs émotions, à des techniques interdites… peut les aider à faire progresser le côté lumineux de la Force ou au contraire si ce n’est pas justement ça qui les condamneraient.


Parallèlement à tout ça, on a aussi** beaucoup de détails sur le maniement du sabre laser,** des différentes techniques, de l’impact des styles d’armes, de l’ergonomie des poignées… qui apportent pas mal de profondeur à toutes ses jouxtes de la saga auxquelles il m’est arrivé de repenser et de les comprendre différemment en cours de lecture. J’ai adoré également la petite justification que l’auteur a pris le temps d’apporter sur l’ensemble des duels au sabre laser à l’occasion de l’entraînement au combat, ce qui fait que jamais l’un des combattants utilise la force sur son adversaire pour le déséquilibrer légèrement à un moment critique.


La galerie de personnage mis en place et / ou développés lors de ce passage est très intéressante, même du côté Jedi qui est pourtant vite évoqué, mais surtout du côté Sith bien évidemment, avec des personnages comme Kas’im ou Githany. Ce sont non seulement des personnages charismatiques en soi très rapidement, comprenant des révélations sur leurs origines et motivations très intelligentes et bien amenées, mais aussi des éléments d’une importance capitale dans l’évolution de Bane au fur et à mesure de leurs interactions.


Concernant la poursuite de leurs intrigues respectives dans le troisième tiers du récit, pour être honnête il y a des choses que j’ai bien aimé et d’autres moins :


La mort de Kas’im est assez bien faite, déjà parce qu’elle fait sens vis-à-vis de l’idéologie divergente des deux Siths. Kas’im a adhéré à l’idéologie de Kaan, malgré les légères réserves qu’il pouvait sous-entendre, et Bane doit lui-même vaincre son mentor pour respecter sa règle des deux. Ensuite, c’est une belle synthèse et application de leurs rixes d’entraînement où Bane a su tiré parti de ses apprentissages auprès de Kas’im et auprès de ses recherches personnelles, concrétisant finalement ce qu’il avait prédit quant à comment devenir réellement plus fort dans le Côté Obscur, la fourberie étant une arme de prédilection à utiliser comme les autres.


Par contre, j’aurais préféré que Githany survive à la bombe psychique et devienne l’apprentie de Bane, ça aurait eu beaucoup plus de sens dans l’évolution de leur relation, si maîtrisée tout du long, que de finalement la tuer à la toute fin en ayant laissé croire jusqu’au bout qu’elle survivrait pour devenir son apprentie. Le twist fonctionne forcément mais je trouve le dénouement trop facile et maladroit, ce qui est dommage parce qu’encore une fois leur relation était tellement géniale et bien écrite jusqu’à cette fin.


Si l’on excepte un dénouement brutal comprenant des choix radicaux avec lesquels je peux avoir un peu de mal, La voie de la destruction introduit superbement un excellent personnage amenant des réflexions profondes et matures sur des éléments d’intrigues centraux dans l’univers de Star Wars, met en scène des batailles de grande ampleur très bien narrées, met en place des personnages très charismatiques savamment intégrés au récit de Bane, enrichit profondément son univers avec un soin du détail très bien choisi… une belle voie pour une aussi sombre trilogie que la règle des deux poursuivra.

damon8671
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le 3 juin 2019

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