Alors, ce roman dont tout le monde parle, est-il à la hauteur de toutes les paroles élogieuses qu'on a entendues à son sujet ?
Eh bien, oui. C'est un texte effrayant, noir, sordide même, et son titre est... « La vraie vie ». Je l'ai lu d'une traite, les mains moites, terrifiée par ce père-ogre dont le moindre haussement de sourcil cloue sur place chacun des membres de la famille. Dans ce conte pour adultes, le chef de famille (c'était bien ça l'expression qu'on utilisait encore il y a peu de temps pour parler du père, non?) est un chasseur, un tueur, une brute qui frappe sans compter, surtout quand il a bu un coup de trop. La mère, quant à elle, est décrite comme « une amibe », « un ectoplasme, un endoplasme, un noyau... une vacuole digestive » : elle est à peu près rien, une sorte de néant qui a appris à vivre dans la peur et la soumission, une femme qui se la ferme, obéit, s'efface.
Bon, on est dans un conte, un conte qui n'a rien de merveilleux mais un conte quand même, me dis-je pour me rassurer… Mais le titre du roman me revient à chaque fois en pleine figure : « La vraie vie ».
Alors, c'est ça, la vraie vie, un truc violent qui saute à la tête alors qu'on ne s'y attend pas ? Tandis que l'existence n'est déjà pas bien réjouissante, la vraie vie prend la forme d'un accident horrible qui fait perdre définitivement le sourire, le goût de vivre et l'envie de continuer ? Un cran de plus dans l'horreur et ça y est, on y est dans cette vraie vie ?
Il faut croire que oui, c'est cela et c'est précisément pour éviter que son petit frère Gilles, après un choc terrible, ne plonge dans une profonde dépression et qu'un mal-être profond ne s'empare de lui que la narratrice, du haut de ses dix ans, va tout faire pour le protéger. Parce que l'enfant est devenu mutique. Il est anéanti. Les violences de l'existence sont telles qu'à un moment donné, une de plus et on se rétracte, on quitte la scène, on n'en peut plus.
Alors, la grande sœur dira NON : NON, Gilles ne perdra pas son sourire d'enfant, NON, elle ne ressemblera pas à sa mère, NON elle ne se fera pas dicter sa vie ! Et c'est à la naissance d'une guerrière que nous assistons : la gamine se battra, luttera contre le mal, contre la hyène qui ronge de l'intérieur le petit Gilles.
« La vraie vie » est l'histoire de ce combat, un combat sans relâche, un combat terrible fait de mots et de poings, de sang et de sueur. Mais, est-il possible d'échapper à toute cette noirceur, à toute cette méchanceté gratuite, à ce monde sordide ? Et si le petit frère se mettait un jour à ressembler au père, au monstre, à l'ogre ? Et si, au bout du compte, la guerrière rendait les armes et laissait la vraie vie continuer à lui mettre des claques ?
Je dois vous avouer que ce texte m'a plongée dans un stress sans nom : il m'a happée, m'a projetée - assez violemment d'ailleurs - dans un monde terrible. J'ai été sidérée, clouée au sol, je me suis retrouvée nez à nez avec un réel quasi insoutenable. A plusieurs reprises, j'ai relu quelques lignes si brutales que je n'étais même pas sûre de les avoir bien comprises.
Et puis, quel suspense ! J'ai terminé la lecture les mains moites et le coeur battant, si, si !
Quelle pêche, quelle énergie dans ces phrases ! C'est cash, direct, ça cogne, ça fuse… Waouh !
La vraie vie… Pas belle à voir… Et même pas une voisine-fée capable de faire des miracles !
Mais quand on veut changer les choses et redonner son sourire au petit frère, alors oui, tout est possible.
Finalement, il était rudement beau ce conte !
Et la vie aussi dans le fond !
LIRE AU LIT http://lireaulit.blogspot.fr/