Les mots, d'abord. Tous les mots. Les mots d'un livre se doivent d'être intrépides pour nos yeux assoiffés. La beauté des mots, la seule ainsi qui transfigure de toute part. C'est comme la voix sortie des gorges de ceux qui font du cinéma. Les dialogues des films, les façons de parler au cinéma, les tons, les petits rien qui font l'être humain ce qu'il est : vivant.
Les mots de l'auteur, Marie NDiaye, sont comme ceux, limpides, des voix sortant du cinéma.
Ainsi, l'écriture de Ladivine est transcendante. Jouissive, d'une beauté à couper le souffle, simple et compliquée, qui rappelle celle du temps du nouveau roman, Marguerite Duras ou Samuel Beckett. C'est cette écriture que j'aime, infiniment. Qui rentre jusqu'aux tripes.
C'est une vie. Il y a une femme, Ladivine. En fait, il y a deux Ladivine. Il y a la mère, il y a la fille. C'est une histoire fait de désespoir, de gouffre, de souffre. Plus désespérant tu meurs. Tu peux pas. Et puis de toute façon, t'aimerais pas vivre comme vie cette femme, oh que non. Tu t’apitoies sur son sort. Et pourtant tu l'aimes, tu la déteste, les deux à la fois. Ton cœur est rempli de compassion. Et tu t'accroches à l'écriture du roman, cette écriture qui fait que tu aimes intensément tout de ce livre, jusqu'aux moindres mots, aux moindres parcelles, aux moindres gestes pauvres, miséreux, malheureux de tous ceux qui figurent dans le livre.
Ce sont des vies mornes. Des personnages dans la chaleur d'un monde, la peau moite et les yeux livides, tristes à en mourir, qui portent tout le malheur du monde sur leur dos frêle et pas très dur. Des personnages qui pourraient être tout le monde. Toi, moi, un autre. Qui ne savent pas comment y faire avec la vie. Qui la fracassent, la piétinent, vivent de travers, en permanence à côté de la plaque. C'est comme Marie Rivière dans le Rayon Vert de Rohmer. C'est comme Gena Rowlands chez Cassavetes. C'est comme ce film bouleversant Sue perdue dans Manhattan. C'est fracassant, bouleversant. C'est beau. Et on aime voir ces personnages se déchirer, essayer tant bien que mal de vivre, de survivre, de parler avec les bons mots, de vivre avec le bon cœur. On ne sait pas pourquoi. Aimer voir les autres se déchirer au travers d'un livre. Aimer éprouver de la pitié, de la compassion pour ces personnages en loques, ratés, au fond du gouffre. Aimer regarder les autres souffrir.