Notre monde contemporain, semblable dans son exponentialité technique à une lessiveuse temporelle qui met un tunnel sans fin entre nous et les époques anciennes, fait que je peux appréhender Balzac comme un auteur de fantasy, dont l'exotisme et la cosmogonie m’apparaissent semblables à celles de la terre du milieu de Tolkien. Et pourtant ce passé a bien eu lieu, ici bas, dans notre espace et notre temps, dans une France lointaine et perdue.
Le roman exhibe comme dans La maison du chat-qui-pelote, une morale implacable sur le destin des jeunes femmes qui n'en font qu'à leur tête. Le bal de Sceaux n'est pour l'instant pas encore passé sous les fourches caudines des ligues féministes, qui réclameront un jour j'en suis sûr son effacement définitif de la longue liste des glorieux ouvrages de la littérature française.
En effet, mademoiselle de Fontaine refuse tous les prétendants proposés par son père et n'a qu'un rêve, épouser un pair de France. Elle rencontrera un homme qui lui plaît lors d'un fameux bal à Sceaux, envisagera de l'épouser mais y renoncera lorsqu'on lui prouvera faussement que celui-ci est roturier. Bien sûr ce n'est pas le cas, le hasard des choses fera qu'il se retrouvera pair de France et Émilie de Fontaine épousera son vieil oncle dans un élan désespéré.
C'est à la fois si grossier et si subtil que ce genre d'histoire ne peut laisser indifférent et provoque des remous intérieurs directement indexés à votre niveau de féminisme affiché. Personnellement, tout cet imbroglio sentimental idéologiquement orienté m'a laissé de marbre, voire même amusé, retenant d'abord la sublime langue du sieur Balzac.
Pour conclure, très agréable roman court qui tient toutes les promesses de l'Avant-propos à la Comédie Humaine. Une maîtrise rarement égalée des situations et des dialogues, une refonte de la machine infernale qu’échafaudaient les dieux de l'antiquité. Une implacable route, qui de l'émancipation finit dans l'ornière.
Samuel d'Halescourt