Le boulevard périphérique par Notche
le boulevard périphérique est le premier roman d'Henry Bauchau que je lis en dehors de son cycle oedipien. J'avais été touchée par la grâce et la poésie de l'écriture d'Antigone, Oedipe et Diotyme et il me semblait que celles-ci n'étaient possible que dans ces romans et que dans des romans plus réels ils ne s'épanouiraient pas. Quelle erreur!
Le boulevard périphérique est un roman rempli de poésie et d'émotions.
Roman aux récits entrecroisés, autofiction, écriture du non dit et des symboles. A l'analyse du roman, on se rend compte à quel point tout est construit sans paraître rigide. L'écriture est fluide et pourtant, suit une construction incroyablement précise.
Tout fonctionne en paire, les opposés sont constamment opposés: mouvement/immobilité, verticalité/horizontalité, présent/passé, ...
le narrateur est un narrateur passif la plupart du temps, et le roman en arrive à cette conclusion que la force ne réside pas dans le dire (magnifique conclusion pour un psychanalyste...)
L'écriture est celle du souvenir, et donc fragmentaire. Il reste des parts d'ombres, des choses que le narrateur ne sait pas ou a oubliées. Le futur est incertain, tantôt positif, tantôt conditionnel, ce sont le passé et le présent qui construisent les personnages. Le passé qui vient constamment faire irruption dans le présent, mélangeant réel et onirique.
Ces personnages si attachants, même Shadow, cette ombre nazi, ce meurtrier qui pourtant sera là dans la scène finale, à veiller Paule, la belle-soeur atteinte d'un cancer. Il la veillera sous les yeux du narrateur face à Stéphane, l'homme mis sur un piédestal, celui qui apprendra au jeune Henry à grimper, qui lui apprendra à respirer, qu'il admirera, qu'il aimera même.
le livre a été écrit en 2008, alors qu'Henry Bauchau a 95 ans. Ebauché dans un poème (comme souvent), commencé puis laissé de côté parce que Bauchau oublie son manuscrit pour les vacances et se lance alors dans la saga oeidpienne. Le boulevard périphérique est un roman de la maturité qui, selon moi, n'aurait pas pu être écrit avant sans risquer le ton plaintif. Or il ne l'est pas. On est certes bouleversé à la fin du roman mais on est serein, comme si le voyage effectué nous avait fait un peu grandir.