Le Bûcher des vanités par Cabro
Un roman policier ? Non. Un guide touristique ? Non. Une analyse financière de la Big Apple ? Non. Mais bien quelque chose entre les trois. Le Bûcher des Vanités est une fresque sociologique de la capitale du monde (surtout à cette époque-là).
Sherman McCoy croit tout avoir pour lui. Il pense qu'il dissimule bien son adultère à sa femme et que son job en tant que "maître de l'univers" à Wall Street va encore durer des lustres. Néanmoins, le bête accident, le fait de renverser un jeune noir alors qu'il s'était perdu das le Bronx et le délit de fuite qui va avec vont bouleverser son existence.
Au fur et à mesure des pages (trés nombreuses, mais pas lourdes pour autant), on sent l'étau qui se ressert sur notre protagniste et on sent trés bien le malaise dans lequel tout cela le plonge : l'impression, je cite, "que le sol s'échappe sous ses pieds". Sherman est pitoyable tant il ne sait pas quoi faire, il est impuissant et ceci est presque mignon. On dirait un enfant perdu, enfant que la confrontation avec les bas-fonds dans une cellule vont changer à jamais. En effet, comment pourrait-il se remettre d'aplomb après avoir été sali comme il l'a été.
Nous touchons ici à un autre aspect du roman : les médias et la pression populaire. Comme dans de nombreuses affaires, les manifestants assimilent et mélangent des problématiques qui n'ont rien à voir : racisme, capitalisme, homophobie... Des slogans tels que "Justice de Wall Street = Johannesbronx" en sont la preuve. Ceci est un fait que l'on observe trop souvent pour passer à côté dans une telle histoire donc un point à Tom Wolfe pour l'avoir couché sur papier ! En pratique, cela nous donne des dirigeants politiques et judiciaires partagés entre leurs principes de justice et l'envie de répondre aux pressions de la rue. Autrement dit, comment vraiment mener un procés impartial ? Question intéressante...
Par ailleurs, j'ai bien aimé les portraits des personnages selon leurs origines. New York est une ville d'immigration on le sait (Ellis Island et tout et tout), mais je pensais que trois siècles plus tard, ses citoyens avaient enmagaziné la culture américaine, une sorte de gigantesque compromis avec des apports de tout le monde. Apparemment, ce n'est pas le cas et c'est bon à savoir ! La détermination et la solidarité des Irlandais semble persister, tout comme la vanité des Italiens, les réseaux entre Juifs et la possession du pouvoir par les WASP.
Enfin, (la chronologie du livre me pousse à n'en parler qu'en fin de critique) les conséquences de toutes ses aventures sur Sherman McCoy sont trés intéressantes. Passer d'un mode de vie en duplex sur la 5th Avenue à un deux-pièces sur la Première, vivre entre réunions avec son avocats et confrontations avec le procureur, attendre chaque jour la sortie du nouvel article de presse qui le traînera un peu plus dans la boue, avoir sa vie privée étalée en grand, la fuite d'une femme et d'une fille, tout cela est si violent que Sherman craque. Lors du dénouement final, il n'est plus lui, il est devenu fou. Et je ne serais que peu surpris d'entendre que Tom Fontana s'est inspiré de lui pour créer son Tobias Beecher dans la série Oz...