Ce livre déroute.


Composé de deux longues nouvelles (les Archives de l’atrocité et la Jungle de béton), il dépeint un monde contemporain dans lequel toutes les menaces terroristes pourraient s’expliquer par une lutte permanente et invisible entre des organisations tentant d’avoir la mainmise sur la magie noire, une connaissance exhaustive de l’occultisme et d’autres arcanes millénaires, et des moyens d’action aussi improbables que terrifiants. Car tout est réaliste et nous montre des groupes d’influence comme Al-Qaïda sous un angle encore plus effrayant. A l’heure où l’esprit humain se concentre sur les attentats à grande échelle en essayant d’oublier la menace nucléaire, les services de contre-espionnage travaillent d’arrache-pied pour contrer les invocations de créatures liées à des lignes de codes informatiques ou les sortilèges à large rayon d’action calculés sur la base d’équations nébuleuses.
Le monde dépeint par Charles Stross, c’est celui qui résulterait de la rencontre entre Fleming et Lovecraft, avec une pointe d’ironie. Les amateurs de l’Appel de Cthulhu (le jeu de rôles de Chaosium, mais plutôt en version Delta Green) ou de X-Files lèvent déjà un sourcil à la manière de Spock : ce livre est fait pour eux. Mais d’autres pourront y prendre goût, surtout s’ils apprécient un cynisme omniprésent (celui de l’agent doué mais maladroit qui passe son temps à râler sur son sort) et des situations complètement délirantes, qui rappellent parfois certains épisodes des romans de Brian Lumley, ce continuateur de Lovecraft qui racontait comment on pouvait déloger un Chthonien à coups de bombes A. Sauf que là, les perspectives de fin du monde sont occultes, dans le sens de « cachées du grand public » : que ce soit une entité cosmogonique se nourrissant d’énergie ou un dispositif grillant les cerveaux au travers des caméras de surveillance, seuls les agents et quelques témoins malheureux seront au courant. Heureux les innocents.


Bref, des histoires d’épouvante écrites sur une trame d’espionnage. Ou le contraire. L’auteur s’en justifie d’ailleurs, et cite ses sources et ses références, dans une postface particulièrement intéressante, où l’on apprend par exemple que le roman les Puissances de l’Invisible de Tim Powers surfe sur les mêmes principes.


La première histoire (la plus longue) devient captivante dans sa seconde moitié, avec ces perspectives d’apocalypse silencieuse et ces morts-vivants nazis d’outre-monde : on trouvera des échos troublants dans le prologue du crossover Marvel Fear itself avec ces disciples de Crâne rouge tentant d’invoquer des forces mystiques, mais avec des tournures plus proches du Hellboy de Mignola. Le début en revanche paraît quelquefois rébarbatif, tant on nage en eaux troubles sans vraiment de repères ni d’actions significatifs.


La nouvelle suivante, très dense et plus cohérente, se suit à un rythme soutenu. Ce qu’elle implique fait froid dans le dos.

Vance
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Roman et Littératures de l'Imaginaire

Créée

le 23 mai 2018

Critique lue 411 fois

Vance

Écrit par

Critique lue 411 fois

D'autres avis sur Le Bureau des atrocités - La Laverie, tome 1

Le Bureau des atrocités - La Laverie, tome 1
camilleeelen
9

Critique de Le Bureau des atrocités - La Laverie, tome 1 par camilleeelen

Il s'agit dans ce premier tome de la série de "La Laverie" d'une série de nouvelles qui vous apprennent, entre autres choses, que les mathématiques sont une science dangereuse, que Cthulhu et les...

le 22 déc. 2010

1 j'aime

Le Bureau des atrocités - La Laverie, tome 1
glen
8

quand Lovecraft rencontre Bill Gates

Lovecraft avait raison. Ils sont là ! Enfin, ils le seraient si on les laissait faire… Heureusement « La Laverie » veille et agit pour que les Grands Anciens restent loin de nous. Comment ? Vous ne...

Par

le 13 janv. 2015

Du même critique

La Falaise mystérieuse
Vance
7

Maison mère

Souvent cité comme référence par de très grands réalisateurs contemporains, voici un film singulier sur le thème de la maison hantée qui se voit traité avec un certain humour détaché et une véritable...

le 6 août 2018

5 j'aime

Le Village des damnés
Vance
7

Critique de Le Village des damnés par Vance

Le film m'avait marqué quand j'étais gosse, avec ces gamins blonds étranges aux yeux luminescents qui lisent et manipulent les pensées. Je me souvenais d'à peu près tout et je dois dire que ça a bien...

le 18 juin 2013

5 j'aime