Je me laisse toucher le cœur par les mots de Nathacha Appanah. Ma main caresse le livre fini comme une main frôle un plant de lavande, de menthe ou de thym, pour le simple bonheur de dégager des arômes et de s’en imprégner. Les mots de cette autrice concentrent toutes les saveurs de la vie : l’amertume et la douceur, les aigreurs et le sel de toutes ces microdécisions qui filent la vie, la tissent ou la déchirent, assurant la pérennité des liens familiaux ou les cassures revendiquant l’éloignement de ses composants à jamais.
C’est avec de mots simples que Nathacha Appanah reconstruit, pour le lecteur, la vie disloquée de Eliette devenue Phénix, de Paloma, sa fille qui s’enfuira sur fond d’une promesse de retour lancée à Loup, ce frère démuni des codes habituels de vie qui, sur un coup de tête, à moins que ce ne soit de cœur, prendra la voiture qu’il ne peut conduire et se trompera de sens à l’entrée de l’autoroute. Un enchaînement de circonstances qui juxtaposent les pièces d’un puzzle sans image dont personne ne pouvait ou voudrait rêver. Ce livre, au titre saluant Verlaine et la mélancolie qui règne sous le toit de toute prison, est le récit d’une vie cauchemardesque qui se reconstruira peu à peu sur la force même de liens capables de transcender les blessures et de recréer la plus grande valeur qui soit, le tissu familial qui berce chacun dans ses peines comme dans ses joies.
Le lecteur choisira son accroche : Phénix, Paloma ou Loup. Ce dernier, par son mal être, la pauvreté des mots dont il dispose, l’incompréhension un peu brutale des gendarmes venus l’interpeller et la décision du juge visant à l’écrouer m’a particulièrement touché. Mais mon cœur s’est aussi gonflé de nostalgie pour le temps de la fausse innocence des parents de Eliette, la rage de celle-ci à renaître Phénix sous le masque de tatouages occultant sa couleur d’enfance et son corps à jamais balafrés par un baiser forcé d’adulte.
J’écoute les mots, j’entends les combats. Je circonscris les maux qui déchirent, les claques qui ferment les portes, les dits ou non-dits qui larguent les amarres. Je distingue dans l’âpreté des combats la dignité et les forces d’attraction qui surpassent tout !

Et si, par-dessus tout cela, le ciel bleu et calme pouvait ne pas être qu’un mensonge… Si la persistance du bleu du ciel était la clé qui apaise les bleus du corps et re-suscite à la vie ?
Lire Nathacha Appanah, accompagner, ne fusse que 125 pages, Phénix, Paloma et Loup, c’est accomplir le chemin de croix de bien des vies et entendre l’invitation à chanter, malgré tout, l’amour et la solidité des liens familiaux pouvant se tresser, se re-tresser. Un hymne à la joie à venir, la joie à reconstruire, l’amour à réexpérimenter au-delà des échecs.
Voir ce ciel par-dessus le toit, croire en une invitation, une devise de vie à choisir et suivre, voilà le message laissé au creux des pages par Nathacha Appanah ! Un futur prix de la rentrée littéraire 2019 ? On peut le souhaiter !

François_CONSTANT
10

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le 9 sept. 2019

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