Dans son ouvrage consacré au mythique numéro 7 de Manchester United, Vincent Duluc retrace la destinée tumultueuse d’un footballeur de génie. George Best, le cinquième Beatles décrit l’ascension puis la chute d’un talent brut, homme complexe, buveur et séducteur invétéré, qui ne parvint jamais à dribbler ses démons. 

De foot, dans la vie de George Best, il aura finalement été trop peu question. Entre deux femmes, ou deux sorties au pub, le lumineux « Belfast Boy » était capable d’éclairer la ville de Manchester à lui tout seul, d’un dribble ou d’un but. Une lumière qui vacillait bien vite, une fois le maillot remisé au vestiaire, et qui s’éteignait pour de bon lorsque la nuit venait. Avait-elle brillé trop fort sur ce gamin de Cregagh Road, élevé dans l’ombre des logements sociaux et des façades de briques rouges ?

Dans son récit de 232 pages, le journaliste Vincent Duluc nous présente le parcours d’un drôle de mec, footballeur émouvant et personnage bondissant, dont les proches auront passé la moitié de leur vie à l’attendre, et l’autre à regretter qu’il soit venu. Des origines modestes à l’ascension fulgurante, l’auteur nous donne à voir la trajectoire sinueuse d’un garçon peut-être trop brillant, trop beau, trop fragile pour son talent.

Dès les premiers chapitres, entre réminiscences de ses premiers voyages outre-manche, des premiers émois romantiques et footballistiques, le romancier place le décor dans lequel George Best est né au football. En 1958, l’Angleterre pleure ses « Busby Babes », huit joueurs professionnels de Manchester United tués dans le crash de leur avion à Munich, au retour d’un match de Coupe d’Europe. L’arrivée d’un ange venu de Belfast, léger comme un courant d’air et rapide comme une tempête, sera l’occasion pour toute une génération de survivants de gravir en 1968 l’Everest de la Coupe d’Europe, et d’y déposer une gerbe.

Le cinquième Beatles est sur le toit du monde, au sommet du football européen, à l’apogée de son talent, il a dix-neuf ans, et nous en sommes au troisième chapitre. Voici pour la partie connue de l’histoire. La suite, récit détaillé des années perdues, puis regagnées, puis finalement balancées par-dessus l’épaule comme un verre vide de vodka, est un voyage entre solitude et sollicitations, tentations, victoires et renoncements.

Des voitures, des femmes et de l’alcool, Vincent Duluc nous dit tout, dates et lieux à l’appui, brisant chaque fois un peu plus le cœur du lecteur trop empathique. « Oh non, George.. » se surprend-on à murmurer au détour d’un come-back à peine entamé, ou d’un succès trop vite noyé au fond d’une bière. On voudrait en savoir un peu plus sur le joueur, les résultats, d’autres matchs, ou un fait marquant. La tristesse est grande de constater que leur absence du livre est le reflet de leur absence de la vie du joueur : le football, dans les années qui suivent le titre de 68, et jusqu’à la fin, doit cohabiter avec de trop bruyants voisins.

Avant le footballeur, c’est ici l’homme qui est dépeint, tiraillé entre son désir d’occuper la scène et un besoin viscéral de garder pour lui ses doutes et ses vérités. Légende jouante, on comprend aussi, entre les lignes, que la malédiction de Best est d’être resté meilleur que tous les autres, alors même que son existence se diluait dans une vie d’excès et de débauche. Premier surdoué d’une époque qui n’avait pas le mode d’emploi pour ce type de phénomène, sa chute a sans doute permis aux génies du jeu qui l’ont suivi d’être mieux accompagnés.

Dans un ouvrage maitrisé et faisant la part belle aux anecdotes, la légende de George Best s’écrit sous la plume de Vincent Duluc entre le tragique et le flamboyant. Ici se mêlent le merveilleux, le sordide, la renaissance au détour d’une fulgurance, le pathétique. Reste, au bout de la route, le talent.

Elliott_Travis
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le 26 sept. 2023

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Solal Duchene

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