L'autoritaire : Fantasme et névrose
J'avais lu ce "bouquin" (à dire en imitant François Bégaudeau) pour mon Mémoire de Master ; je viens de le parcourir à nouveau pour mon boulot de prof' d'éduc' mus' (à dire en m'imitant). 2 lectures, à 2 âges différents, pour 2 côtés d'une "barrière". Mon avis reste grosso-modo le même : ce livre est une merde (à dire en imitant La Cité de la peur, évidemment). Du coup, je partage pour une raison qui m'échappe mon argumentaire en 2 points, correspondant aux 2 quasi-fausses-pistes du titre.
- l'histoire :
Si Péquignot est historien, d'après la 4e de couv', je trouve à la fois regrettable et lamentable qu'il joue avec la chronologie au gré de ses petites opinions (peut-être sous l'impulsion de Jullier, que je méprise, mais ça ce sera pour l'argument esthétique). Dès la 1ère partie de l'introduction, il arrive à enchaîner le Velvet Underground et Coldplay, et dans le tout 1er paragraphe de son 1er chapitre, intitulé à la fois sobrement et pompeusement "Jalons historiques", il balance et mélange en un même élan syntaxique des penseurs des années 1990 et 2000. En outre, il ne renseigne pas ses sources. Je veux dire, y a une bibliographie à la fin, hein, mais les sources sont plutôt invisibles au cours du texte. Et je le trouve, disons-le simplement, extrêmement mal documenté : sur une histoire économique de la musique de film, de MTV, des écrans sur les scènes de concerts, des albums visuels, et j'en passe, y a du manque, et surtout y a du faux. Et ça me chagrine, et ça me chiffonne. Quant au parallèle extrêmement hasardeux qu'il(s) tente(nt) avec l'histoire du cinéma (j'y reviendrai dans mon argument sur l'esthétique), leur opinion se résume trop malheureusement à leurs goûts et jugements de valeurs, ce qui en fait un essai bien trop discutable pour un truc qui se prétend "historique" : ils encensent le "bon cinéma", comme Casablanca - oh, mince alors, Curtiz a réalisé King Creole avec Presley - contre le "mauvais cinéma", qui serait en gros un cinéma un peu trop populo', à l'instar du Help! de Lester, bafoué à répétition - oh, bah dis donc, Lester a eu une Palme d'Or la même année, je croyais que ça émoustillerait ces petits auteuristes, d'après mes propres idées reçues. En bref, à ce niveau de médiocrité méthodologique, j'ai envie de dire "Chapeau Péquignot". Si le texte a le mérite de faire penser à des questions de fond si tant est qu'on ait l'esprit investigateur sur ces questions d'intersections musique-images, et le temps d'aller faire la recherche que Péquignot a oublié de faire, ce livre ne se départ jamais de son cliché du "vos gueules les mouettes, c'est comme ça parce que je le dis". Et c'est ma transition avec...
- ... l'esthétique :
Dans la petite tradition franchouillarde d'une élite qui invente sa propre aristocratie culturelle (coucou De Baecque), Jullier, présenté (toujours en 4e de couv') comme l'esthéticien du tandem, ne base son "étude" esthétique que sur sa vérité de ce que serait le beau, et le bon, puisqu'il ne nous épargne pas, en plus, sa morale vertigineusement bienpensante - j'ai rigolé jaunâtre pendant son solo sur MTV et la censure. Je serai plus bref qu'au point précédant parce que je lui ferai le(s) même(s) critique(s) / reproche(s) : il n'est pas suffisamment factuel pour pouvoir placarder sereinement "ESTHÉTIQUE" sur la couverture, ses analyses de plans sont grandement insuffisantes, et ses analyses de séquences carrément inexistantes. Quant à ses analyses musicales, eh bien il vient du champ du cinéma, donc il n'a pas la compétence, quoi - et du coup il n'essaye même pas. Je veux dire, c'est pas parce qu'on dit "oui, le montage, c'est du rythme", qu'on peut s'estimer avoir fait une analyse, quoi. On peut au moins essayer de chercher corrélations ou pas entre structures de chansons et séquençages de clips. Ou les éventuels changements de régimes narratifs entre paroles et passages instrumentaux. Je dis ça, je dis rien, je ne suis pas là pour actualiser mon Mémoire, de toute façon. Il apparaît en tous cas que analyser, pour Jullier, c'est résumer une action. Tant que j'y pense, c'est peut-être pour ça qu'ils n'ont pas allongé le budget pour avoir des illustrations couleurs - malgré des commentaires sur des compositions colorées, allez comprendre. Il passe à côté des phénomènes esthétiques, préférant citer des chiées d'exemples très choisis pour imposer sa "vérité du beau" : il sait, lui, ce qu'est le bon musicien, donc la bonne musique, donc le bon clip, donc le bon réalisateur de clip... D'ailleurs, Jullier, tu ironises sur MTV et sa censure, mais tu trouves vraiment que tu cites beaucoup de musiciens et réalisateurs noirs, femmes... bref, qui sortent de ces histoires masculo-blanchâtres de la musique et du cinéma ? J'ai mal à mes années de fac, comme diraient les jeunes. Tout ça pour dire que je trouve que ça laisse pas mal transparaître une fermeture d'esprit non seulement malheureuse pour moi petit lecteur, et du coup pour les lecteurices de manière générale parce que moi aussi je sais ce qui est bien, évidemment, mais surtout bien trop contre-productive pour le chantier auquel ils prétendent vouloir participer.
Comme s'ils voulaient venir jouer dans une cour trop grande pour eux, déjà, mais en plus en débarquant les mains dans les poches, juste en se sentant touchés par une lumière qui ferait d'eux des sachants simili-prophétiques. Du coup ça m'agace, parfois même ça m'énerve, et je les accuse tout solennellement d'un mépris de genre, et de classe. Ce qui, pour moi, le discrédite en tant qu'objet scientifique.
Mon axe d'amélioration pour lecteurice averti.e : si ce livre se pose comme une "base" pour des travaux sur le clip, je conseille de retravailler et consolider cette base, et surtout de s'ouvrir, de laisser de côté son orgueil, pour viser davantage une information consistante.
Créée
le 21 août 2024
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