J'avais voulu lire ce texte de loi lors de la polémique qu'il y avait eu l'an dernier à propos des établissements scolaires « Colbert », où il paraîtrait que ça serait scandaleux à cause de la justification de l'esclavage qu'il a mis en place avec le Code Noir.
J'ai enfin mis la main sur ce texte et c'est un document historique d'une grande importance. En fait outre les considérations morales totalement anachroniques qui viendraient dire que l'esclavage c'est pas bien, que c'est un crime contre l'humanité, etc, c'est un texte qui permet de donner des règles à cet esclavage et de répondre à des problématiques locales.
En effet, on y définit le statut d'esclave, ce qu'on peut lui faire, ce qu'on ne peut pas lui faire, ce à quoi il a droit, ce à quoi il n'a pas droit. Mais surtout il règle la question des enfants métisses, qui obtiennent, si j'ai bien compris le statut de leur mère. Esclave si la mère l'est, libre si la mère l'est. Ce qui met fin à la volonté des esclaves de ne faire des enfants qu'avec des hommes libres en espérant que leurs enfants seront libres eux-aussi.
Le texte indique également que tout n'est pas possible avec les esclaves, qu'ils doivent être baptisés, qu'ils doivent avoir le dimanche pour prier (ainsi que les principales fêtes religieuses) et qu'ils ne peuvent pas, par conséquent, travailler aux champs ou à l'habitation ces jours-là.
On y interdit également la torture, la mise à mort arbitraire, on y oblige le maître à nourrir ses esclaves, à les habiller (bon ça semble dérisoire vu qu'ils ont droit à deux tenues par an, mais je n'ai aucune idée de combien de tenues différentes avaient les paysans libres à l'époque).
En fait il s'agit là d'un texte qui permet de codifier l'esclavage et d'éviter certains débordements, tout en répondant à des questions pratiques de la vie quotidienne pour éviter les abus.
Alors certes si on regarde ça avec un œil actuel ça peut sembler horrible parce que ça légitime la mise en esclavage, mais il faut bien comprendre que l'esclavage existait de facto (et qu'il existe d'ailleurs toujours aujourd'hui), que c'était normal, on ne peut pas exiger des gens du XVIIe qu'ils aient les considérations morales de gens au XXIe, ça semble absurde. Et, au contraire, ce texte permet une avancée de la condition des esclaves afin que ça ne soit pas trop le bordel où les maîtres ont tous les pouvoirs.
Alors est-ce-que c'était respecté c'est une autre question... Mais on ne peut pas reprocher à ce document historique de faire partie de l'Histoire et d'être par conséquent propre à son époque. Pour cet éclairage sur l'époque, sur les pratiques, sur la nécessité de légiférer sur ce qui se passait en Amérique, c'est un document passionnant qu'il faut lire et dont il faut arrêter de fantasmer le contenu.