Le commis est un (quasi) huis-clos dans une épicerie de Brooklyn. Cette épicerie est à la fois le gagne-pain et la prison de la famille Bober. Pas un instant de la journée ou de la nuit (les Bober vivent à l’étage au-dessus de l’épicerie) n’est consacré à autre chose qu’à s’en préoccuper. Est-ce qu’il va y avoir des clients aujourd’hui ? Est-ce que le lait va se faire voler comme hier ? Est-ce qu’on va pouvoir payer les fournisseurs à la fin du mois ? Est-ce que cette cliente va me demander crédit ? Est-ce qu’une autre épicerie va ouvrir en face ?
Alors pourquoi Morris Bober n’écoute-t-il pas sa femme ? Pourquoi ne vend il pas ? « Ce n’est pas le moment… » Ce n’est jamais le moment. Il vaut mieux courber le dos. C’est le destin. C’est comme ça. Debout, il faut travailler, être honnête, gagner son pain, ne pas se plaindre, ça pourrait être pire... Mais, est-ce qu’il y aura des clients aujourd’hui ?
La force de ce livre c’est d’avoir introduit ce personnage de Frank Alpine,
qui de braqueur, de violeur, d’antisémite, mais également de gouailleur, de charmeur, d’orgueilleux deviendra… un nouveau Morris Bober, juif à l’échine courbée, acceptant son sort, l’accueillant avec résignation.
Le commis n’est pas qu’un simple roman qu’on oublie deux semaines après l’avoir refermé, il gagne en profondeur et devient une sorte de fable sur la judéité, sur la rédemption, une sorte de réécriture du livre de Job, de l’homme simple mis à l'épreuve, du juif résilient.
Ce dont on est sûr en refermant le livre c’est que l’épicerie sera ouverte aujourd’hui. Mais, y aura-t-il des clients ?