Le Crocus jaune est un très beau roman sur la relation fusionnelle entre une jeune fille et sa nourrice esclave dans les années 1830-1850 dans une plantation de Virginie, avant que n’éclate la Guerre de Sécession entre le Nord des Etats-Unis, abolitionniste, et le Sud esclavagiste. Alors que le Code noir réglemente l’esclavage en Virginie depuis 1705 et décrète la transmission de l’état d’esclavage par la mère, la jeune esclave Mattie rêve de s’enfuir avec son mari et son petit garçon pour rejoindre l’Ohio.
A 20 ans, elle est recrutée comme nourrice pour élever la petite Elizabeth, fille de la maîtresse de maison du domaine, se voyant ainsi séparée de sa famille, à laquelle elle ne peut rendre visite qu’en rares occasions. Malgré ce déchirement, Mattie s’attache à la petite « Lisbeth ». En dépit des vexations quotidiennes, son rôle d’esclave domestique est d’ailleurs considéré comme un privilège par rapport au travail dans les plantations.
Elizabeth, de son côté, est négligée par ses parents et développe un attachement très fort à « sa » Mattie à qui elle continue de rendre visite une fois son rôle de nourrice terminé. Le roman suit les deux femmes dans leur chemin vers l’émancipation, tout en offrant une perspective intime sur l’esclavage et la montée du mouvement abolitionniste au milieu du XIXe siècle.
L’utilisation de points de vue multiples n’empêche pas une forte identification aux deux personnages principaux, et la structure du roman en courts chapitres chronologiques, avec très peu de flashbacks, permet une lecture fluide et très agréable. Pour son premier roman, Laila Ibrahim parvient à trouver un juste équilibre entre émotion et réflexion, évoquant l’horreur de l’esclavage sans misérabilisme à travers une perspective individuelle touchante et porteuse d’espoir.
Merci à NetGalley et à Amazon Publishing de m’avoir permis de lire ce livre avant sa publication officielle le 23 octobre 2018.