L’étau se resserre. Pire : les griffes se resserrent sur Costals. L’ombre du mariage menace la liberté du loup solitaire. Étant rassasié de sa brève possession, va-t-il être possédé toujours ? La nature de l’homme le pousse à l’éphémère, n’aimant que ce qu’il désire (et le désir assouvi est enclin à changer d’objet). La nature de la femme la pousse au perpétuel, ne désirant que ce qu’elle aime. Deux natures inconciliables. Costals déçoit : malgré sa grossièreté à l’égard de Solange et de sa mère, malgré son aversion pour l’institution bourgeoise du mariage, il hésite.
C’est qu’il n’a pas encore percé à jour la personnalité de Solange. Ou plutôt, il en a très bien saisi la nature, mais perçoit des signes le laissant croire qu’originale, Solange serait différente. Le livre est un doute, sur l’opportunité du mariage, et l’opportunité de ce mariage, puisqu’après tout, « il reste une chance, une chance sur cent mais enfin une chance certaine, que dans ce mariage nous soyons heureux tous les deux ». Alors il multiplie les objections puis les garanties, notamment auprès de la future belle-mère , véritable femme d’affaire. Devenu naïf, Costals pose des conditions, pourtant aberrantes, que lapartie adverse s’empresse d’accepter ; des garanties du genre « aurais-je trois mois de liberté par an ? Acceptera-t-elle le divorce à ma seule demande ? » Et il semble rassuré de l’acceptation immédiate de ces conditions, méprisant notre sagesse populaire. Pourtant, il sait au fond de lui que « souvent femme varie, bien fol qui s’y fit ». Ce que veulent les Dandillot, c’est son approbation, le « oui » : seul mot qui compte : le reste n’est que bruit qu’elles n’auront pas entendu.
Bref, le démon du bien est moins intéressant que ses deux prédécesseurs. Trop d’hésitations du
personnage principal, moins de cynisme, et moins de fulgurances dans la formule. Mais le tout reste plaisant, d’une psychologie toujours profonde et universelle, malgré, peut-être, un déséquilibre croissant entre la part de mépris attribuée à chacun des deux sexes.