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Le texte :
Malgré quelques imperfections, j’avais bien aimé « Le Français de Roseville ». Ces imperfections, Ahmed Tiab les a gommées avec cette suite qui se révèle plutôt être un préquel du « Français… ».
Ce second tome des aventures du commissaire Kemal Fadil raconte la rencontre avec Fatou qui plane au-dessus du précédent roman. On saura alors comment ils se sont rencontrés et aimés au premier coup d’œil.
Mais ce n’est pas tant cela qui est important pour Ahmed Tiab qui devait porter ce récit en lui sans avoir le courage ou la force de l’écrire, passant par « Le Français de Roseville » pour s’obliger à écrire celui-ci qu’il redoutait presque. Ahmed Tiab laisse donc la première place non pas au récit de l’enquête de Kemal Fadil qui l’a menée jusqu’au hangar où se trouvait Fatou mais bien au récit de la fuite de Fatou depuis son pays jusqu’aux côtés algériennes.
Ahmed Tiab opte ici pour un découpage radicalement différent du premier qui était très mono-bloc pour un récit plus haché alternant les petites avancées de Kemal Fadil et les grandes errances de Fatou, ses rencontres, ses joies et ses peines.
Et c’est là qu’on ressent tout le tiraillement d’Ahmed Tiab : on sent qu’il a ce récit dans les tripes mais qu’il a peur d’en faire trop et qu’il retient sa plume et les vicissitudes du voyage erratique de Fatou. Les récits de journalistes que l’on a pu entendre sur les migrants de Syrie sont parsemés d’atrocités, d’esclavagismes, d’abus et il ne doit pas en être bien différent des migrants venants d’Afrique noire. Et pourtant, mais fort heureusement pour elle, Ahmed Tiab ne fait pas tout subir à Fatou qui a tout de même droit à son lot d’atroces cahots sur son parcours.
Ahmed Tiab livre donc un récit mieux écrit que le précédent, plus maîtrisé en terme de style et de structure, adaptée à son propos, insérant l’enquête de Kemal Fadil comme autant de respirations dont il avait lui-même besoin au fur et à mesure de l’écriture du livre. Malgré (ou à cause) de la retenue dont il a fait visiblement preuve sans toutefois épargner Fatou et ses compagnons de route (de galère !), peut-être pour ne pas sombrer dans un excès par trop démonstratif, il touche le lecteur pour faire de l’impossible quête d’une vie meilleure le vrai héros du livre. En tout cas, Ahmed Tiab évite de se poser en juge, sauf peut-être vis-à-vis de la religion, de ses carcans et de ses dérives.