Je continue mon exploration de l'univers Dickien avec Le Dieu venu du Centaure, qui reste dans la même veine que ceux que j'ai pu lire.
Comme les autres, le thème principal est la question du réel. Qu'est-il ? Où s'arrête-t-il ? Existe-t-il seulement ? Y en a-t-il plusieurs ?
Beaucoup de ses romans traitent du réel mais l'abordent de manières différentes. Ici, comme dans Substance Mort, la drogue est le prisme autour duquel l'intrigue va se dérouler (parfois s'enrouler...) et va être la porte aux trips tantôt doucereux, tantôt inquiétants, qui permettront aux protagonistes d'approcher de leurs buts, de la vérité. On peut également noter un thème secondaire abordé par Dick : la religion, ou le divin. Il me semble que c'est le premier roman dans lequel il le traite assez profondément, et qui trouvera son apogée dans la suite de ses écrits.
Pour fuir une Terre étouffante de chaleur, l'humanité, sous l'égide de l'ONU a colonisé certaines planètes et lunes du système solaire. Mais la vie des colons est difficile et ennuyante, seule la drogue leur permet de tenir le coup, de retrouver les sensations de la vie terrienne qui leur manque terriblement, en se translatant dans des poupées genre Barbie et Ken via le D-Liss. Le D-Liss, drogue vendue par la société qui vend ces mêmes poupées, permet en quelque sorte de prendre la forme d'une des poupées pour vivre un moment sur une Terre fantasmée.
Le retour d'un explorateur, Palmer Eldritch, qui était exilé dans le système Proxien, va concurrencer le D-Liss avec son K-Priss. Drogue d'une puissance née d'un lichen extraterrestre, elle va devenir un véritable moyen d'accéder à d'autres réalités, à des mondes plus vrais que nature, mais totalement contrôlés par le mystérieux Eldritch.
Le roman est parfois difficile, mais cela semble faire partie de l'expérience de lecture que Dick veut donner. Comme les personnages, on nage dans le flou, dans un dédale entre la réalité et l'hallucination, tellement qu'elles semblent souvent se mélanger et ne faire qu'un (ce qui sera un point important de l'intrigue). Il y a de très bonnes idées qui ne sont qu'évoquées et font partie du background de l'intrigue. Même si certains aspects auraient gagné à être développés, ça laisse un peu de marge de manœuvre pour l'imagination du lecteur, qui peut ainsi sortir d'une lecture sans être assomé par les concepts parfois indigestes de la SF.
En somme, un bon trip.