Le Grand B.A.L, c’est déjà un roman de science-fiction où le rapport entre l’Homme et la Nature est questionné. La recherche de Zéphyrine, musaraigne minuscule, par un bureau singulier ( formé d’un footballeur reconverti, d’une peintre et d’un DJ entre autres ) est ainsi l’occasion de scruter avec un œil critique, la volonté du consortium des Banques-Assurances-Laboratoires( le B.A.L ironisé dans le titre même du livre) de faire du greenwashing pour renforcer son influence dans la marche du monde. De plus, son auteur, Gilles Clément, scientifique de formation, lui confère un style narratif assez technique ( ce qui sort de l’ordinaire, il faut le dire) doublé d’une invention langagière assez croustillante ( l’action se passant au vingt deuxième siècle, il était nécessaire de créer une manière de parler et de décrire significative). Je dois dire que je n’avais pas lu un livre aussi ambitieux et surprenant sur le fond et dans la forme depuis longtemps. Le découpage aléatoire du livre entre noms des personnages ( où Gilles Clément montre son goût pour l’alias et une résonance assumée avec le religieux avec des individus appelés Dyeu, Djizeuss, Gabriel) peut cependant s’avérer risqué. Avec du recul, je trouve que l’auteur a nettement plus été inspiré par la création de ses personnages que par la mise en place de son intrigue partant dans des directions multiples.Pourtant, ce qui est essentiel dans celle-ci,c’est l’évolution potentielle et plutôt accablante des rapports entre l’Homme et la Nature. Gilles Clément montre bien que l’environnement est envisagé de loin, comme à cette conférence-happening à la gare de Marseille. La Nature est ainsi exposée à un public de professionnels ou d’anonymes dont le point commun est de ne plus la mettre au cœur de leurs vies, de ne plus s’y rendre. Et quelque part les noms des acteurs militants pour la préservation écologique devient plus essentiel que les initiatives raisonnées qu’ils peuvent prendre. C’est avec joie que Gilles Clément écorne donc le feuilleton médiatique mais avec consternation qu’ils expose dans son histoire qu’un retour au raisonnable est malheureusement impossible. La nature de l’homme étant de planifier, d’avancer sans se soucier des conséquences. Au final, la figure du rêveur se révèle car c’est peut être celui qui peut voir plus loin que la condition humaine lambda et ce qu’il décide de faire est peut être l’acte ultime de résistance face à un système qui ne veut plus se remettre en question pour perdurer.La conclusion est raide et on en aurait voulu à l’auteur de ne pas la légitimer. Un dernier mot aussi sur Gilles Clément d’être allé jusqu’au bout de sa démarche dans ses annexes en faisant des glossaires des noms ou acronymes inventés ( pour que le lecteur navigue dans ses multiples inventions) et allant même jusqu’à dessiner ses personnages et un paysage méditerranéen . Si je ne vous ai pas donné des raisons valables de rentrer dans ce livre,je suis résolument perplexe.