Si vous découvrez Machen, c'est sans doute grace à Lovecraft, qui le tenait en estime. Et l'on comprend bien pourquoi à la lecture de The Great God Pan, petit chef d'oeuvre de cet auteur du XIXème où l'horreur est ici externe, d'une autre dimension, par delà le voile et les illusions. Ce genre d'horreur, que va en quelque sorte démocratiser Lovecraft avec ses Grands Anciens venus d'outre espace, Machen s'y adonne ici avec plus de retenue que son "successeur", notamment en ne cherchant pas à justifier le malsain et le dérangeant par "l'extraterrestre", mais pas la divinité malsaine, hérité des vieux rites gréco romains. Ici, le mal c'est le Dieu Pan, un dieu dionysiaque par excellence, corrupteur et démoniaque. Mais le mal c'est aussi cette femme étrange qui parcoure le récit, sorte de réincarnation de Lilith et qui est le personnage typique dans le genre épouvante de la femme répulsive et à la fois attirante, avec cet carapace d'apparente pureté mais qui cache les grandes abîmes de l'horreur.
La traduction est pour le coup assez remarquable, fludifiant même l'écrit l'original et en teintant l'oeuvre d'un peu plus d'onirisme lors des passages marquants, comme où la jeune femme emmène son amie dans la forêt. Que s'y passe-t-il ? Mystère, c'est là tout le sel de cette vieille école de l'épouvante, privilégiant la suggestion à l'exposition du monstre. Une très belle oeuvre donc, qui rappellera à l'amateur par certains aspects les évocations printanières et antiques d'un Nerval, tout en ravissant le lecteur lovecraftien.