On le remarque davantage d'année en année : des hordes d'auteurs oubliés de la littérature fantastique/fantasy refont désormais surface dans nos librairies. La raison à cela pourrait être celle d'un simple enchaînement de circonstances et d'un engouement populaire, comme cela a pu être le cas pour l'œuvre de H.P Lovecraft.
Mais en vérité, c'est surtout grâce à l'énorme travail de maisons d'édition désireuses de donner un second souffle à ces oubliés. Les exemples sont légions, allant de Mnemos et ses Brian Lumley et Clark Ashton Smith jusqu'à Callidor et ses Abraham Merritt, Stella Benson et W.S Chambers.
Et c'est justement au travers de cette dernière maison que l'on découvrira, le 27 octobre, la résurrection éditoriale d'un maître du fantastique anglais : Arthur Machen.
Le Grand Dieu Pan
Inspiration majeur de Lovecraft, cet auteur du début du XIXeme siècle a su s'imposer comme une référence du genre grâce à une prose subtile et maîtrisée et à son amour pour l'ésotérisme. De la nouvelle Le Grand Dieu Pan jusqu'à l'Histoire du Cachet Noir, l'écriture de Machen montre plusieurs qualités qui ont trop souvent manqué aux prétendus "auteurs cultes" qu'on nous survend régulièrement :
- d'abord, un travail soigné de ses personnages comme de ses effets de style, accompagné d'un rythme soutenu qui ne trahit pas son âge. La lecture des nouvelles de ce recueil se fait avec un véritable plaisir non dissimulé, et ce malgré la traduction française d'époque qui alourdit peu le style d'origine.
- une littérature fantastique qui s'assume pleinement, ce qui donne lieu à de terrifiantes descriptions d'entités innommables. On comprend ainsi mieux l'inspiration qu'y a trouvé Lovecraft, en particulier pour son Abomination de Dunwich.
Le fantastique, selon Machen
Le fantastique, selon Machen, prend ses racines dans notre univers tout en évoquant l'existence (et cela, l'auteur y croyait dur comme fer) d'un autre monde, joint au nôtre au travers d'une fine barrière. Les questions que soulèvent Machen au travers de ses récits, sont multiples : qu'adviendrait-il de l'Humain si des entités démoniaques arrivaient à entrer en contact avec nous ? Quel risque y'a t'il à vouloir découvrir ce que l'esprit humain ne devrait pas appréhender ?
Cette quête de la connaissance interdite, élément central de nombre de récits fantastiques du XIXème siècle, trouve avec Machen un canevas gothique, sombre et décadent qu'on ne retrouve nulle part ailleurs. Quant à l'aspect profondément décadent, on le ressent jusque dans la plume de Machen et dans sa manière bien singulière de décrire les environnements : "par une nuit sale, des verres crasseux".
L'ensemble de ce recueil offre un niveau d'écriture maîtrisé et une splendides incursion dans l'imaginaire du XIXème siècle, avec en prime, comme cela est l'habitude avec Callidor : une édition luxueuse préfacé par Guillermo Del Toro, et agrémenté d'un court essai de Jorge Luis Borges sur Arthur Machen.
En prime, on retrouvera une vingtaine de splendides illustrations de Samuel Araya, qu'on retrouvait déjà à la barre de l'ouvrage Le Roi en Jaune chez Callidor, conférant à cet ouvrage un aspect unique en son genre. En effet, le parti pris graphique de Araya, mêlant collage et photos d'époque, se marie à merveille avec l'esprit Machenien pour accentuer la puissance des descriptions de créatures venues des tréfonds des âges.