Vaste état des lieux du statut de "resquilleur-vagabond".Ballade réaliste.
William T.Vollmann a fait de la resquille en trains de marchandises un art de vivre, une philosophie, tout en gardant une extrême lucidité.Plus de quarante ans après Jack Kerouac, qu'il cite à loisir, l'écrivain respecte l'héritage de la Beat Generation mais met en perspective la réalité du "vagabondage-resquille". En effet, resquiller un train de marchandises à la fin des années 90, demeure un exercice plus que périlleux car la police ferrovière ("les bourrins" comme disent les hobos dans le jargon bohème) veille au grain et que les compagnons de voyages sont parfois des individus extrémistes,homophobes,violents,rapineurs ou encore même borderline.
Les récits ivres de liberté et de rencontres fantasques rarement mauvaises de Dean Moriarty dans Sur la route alimentent donc une légende surannée, comme la réalité du Missisippi de Mark Twain encore plus datée. William T Vollmann, fort de ce constat, vit son trip, son expérience personnelle, en rendant hommage à l'esprit de ses ainés littéraires, et en trouvant son propre cheminement dans sa démarche. A dire vrai, cette chronique à mi-chemin entre le documentaire et l'autofiction, est vraiment honnête et veut amener le lecteur vers certaines vérités, certaines réalités.
La dimension supplémentaire qu'apporte William T Volmann, c'est la recherche des témoignages de resquille, qu'ils émanent d'hommes ou de femmes resquilleurs. Par ce fait, il confirme que cette expérience est trés personnelle car souvent liée à des circonstances familiales difficiles ou des mauvais départs dans la vie. Le vagabondage n'est donc plus une posture mais bel et bien un choix de vie assumé,volontaire et parfois sans retour.
Reste le goût de l'interdit, l'envie de prendre les chemins de traverse qui accompagne le lecteur tout au long du livre et que l'auteur traduit par la phrase: "faut que je me tire d'ici", véritable leitmotiv fiévreux.
A la fin du livre, William T Volmann nous offre ses clichés de voyage, de resquille. Il est étonnant de voir que l'écriture nous a fait aller plus loin que la réalité crue,sans détours de certaines photos. Alors, juste un petit conseil: visionner les photos après la dernière ligne du récit car votre esprit ne sera pas influencé et cheminera sur les rails américains.
Un dernier mot sur l'auteur.Un homme entier, authentique, un brin anti-système et trés humain. Sans sa personnalité, ce livre n'aurait pas la même résonnance.Et voilà le genre d'écrit qui vous fait dire: ce fut un plaisir de prendre part au voyage et de ne pas perdre mon temps.