Contrairement à certain de mes amis qui se limitent à lire les livres des Annales du Disque Monde en ne prenant que les livres les plus marquants, j'ai décidé d'entreprendre l'ambitieuse oeuvre de les lire les uns après les autres. C'est certes long (surtout lorsqu'on fait des pauses pour lire autre chose, histoire d'apprécier le moment où on va y replonger) et parfois un peu chaotique (notamment quand la bibliothèque ne semble pas avoir les tomes suivant : ainsi je n'ai toujours pas mis la main sur Les Petits Dieux, le n°13 alors que j'ai lu les deux volumes suivants.)
Mais on est récompensé par une vision d'ensemble de l'évolution du Disque Monde et c'est en cela que cette quête est encourageante. (Avec le fait qu'aucun tome n'est jusqu'ici foncièrement mauvais ou ennuyeux.) Tout d'abord, les personnages évoluent. Cet épisode permet de voir des personnages apparus dans Au Guet (Carotte, Vimaire et les autres gardes du Guet de Nuit) les Zinzins d'Olive Oued (le troll Détritus, le chien Gaspode) et des caméos de nombreux autres personnages plus ou moins récurrents (les mages, Mme Cake, etc....) Et tout ce petit monde évolue, Détritus devient moins con, Vimaire se complexifie et Carotte n'est plus le benêt suivant les lois à la lettre du précédant livre, mais un héros rusé et débrouillard.
Et autour de ce petit monde, le personnage du Patricien devient un joueur d'échec manipulateur largement plus intéressant que dans ses premières apparitions. A travers lui, c'est la société d'Ankh Morpork qui devient de plus en plus complexe de livre en livre. Ce qui n'était qu'au départ qu'une ville poubelle se transforme une société avec ses lois (le système des guildes) ses castes et ses intrigues. Plus cela va, moins le monde de Pratchett se résout au "Status Quo" et aux sirènes du "Reset Button" et évolue (timidement parfois) de livre en livre.
A la fin du volume, la Garde n'est plus une institution minable et mourante mais une véritable force armée capable de rivaliser avec les guildes.
D'ailleurs, pour la première fois, les romans, tout en gardant la forme comique, prennent la forme d'une enquête : si au départ, le lecteur a plus d'informations que les personnages, il commence petit à petit à se retrouver à enquêter du côté des personnages. Et créer un climat de polar dans un monde d'héroic fantasy, pour 1993, c'était vraiment bien vu. De plus, dans les premières pages du roman, une intrigue laissée de côté à la fin de "Au Guet !" semble réapparaître et j'avais peur que cela soit redondant. Au final, celle-ci est traitée de façon assez différente et étonnante.
Bref, ça valait le coup de s'y plonger.