Pour l'auteur Terry Pratchett, créateur de l'univers de fantasy le plus barré, le plus absurde, et le plus satirique de l'histoire de la littérature fantasy contemporaine, le genre même avait besoin d'un dépoussiérage. Étouffée par ses codes, par son sérieux et ses quêtes épiques bardées à ras bord de morales, la fantasy avait besoin de Pratchett, d'une certaine manière. Elle avait besoin d'un anti-Tolkien, d'un anti-CS Lewis... D'une œuvre anti-fantasy, en somme.
En lui adressant la plus grande et la plus belle des lettres d'amour et de moquerie qu'est le Disque Monde, Pratchett offre en parallèle une immense satire de notre monde moderne via une galerie fabuleuse de personnages hauts en couleurs qui, par certaines facettes de leur personnalité, dévoile aussi celles de notre société. Du féminisme qu'offre la Huitième Fille, en passant par la censure médiatique avec Vérité, l'univers du Disque est, malgré son aspect absurde et barge, bien réaliste par de multiples aspects.
Car il est essentiel de comprendre qu'un des éléments clés du génie de Pratchet repose dans sa faculté à rendre intrigant et compréhensif un univers qui est régi par de multiples règles chaotiques. On en redemande en permanence, on dévore chaque cycle avec une contenance risible, on étouffe de rire à chaque digressions improbables, à chaque jeu de mots... Et on observe un moment de silence en respect au travail monumentale de Patrick Couton, qui rejoint le panthéon des plus grands traducteurs français, et aura permis à un profane comme moi d'accéder à un univers d'une richesse insoupçonné.
Si le premier opus offrait plusieurs aventures hautes en couleurs et en humour, sans véritable but pour nos deux protagonistes que d'éviter au maximum les ennuis, cette deuxième partie du dyptique fait beaucoup évoluer le récit en allant jusqu'à amener une seule et unique aventure aux proportions pour le moins titanesque. En effet, c'est tout simplement l'avenir de tout le Disque Monde qui est en péril, et le seul à même de sauver ses habitants est... Rince-Vent.
Armé du Huitième Sortilège, logé de force dans son esprit, et de son éternel couardise, il va pourtant devoir se préparer à vivre l'aventure de sa vie, accompagné de Deuxfleurs, le touriste. Et force est de constater avec cet opus, et ce diptyque en fait, que Pratchet montre qu'il est tout à fait capable d'offrir un récit sérieux et épique, tout en posant en parallèle des salves ininterrompu d'humour cynique et de références modernes à se tordre de rire.
En plus d'offrir une fin émouvante et joyeuse, ce diptyque est une porte d'entrée extrêmement bien construite pour quiconque désirerait se lancer dans la lecture de l'immense édifice des Annales du Disque-Monde.