Le jour où je n'étais pas là par Nathaniell
Ce livre est un peu cher, tout d'abord. Cela paraît ridicule, mais il se pose avec ses presque 20€ de pages, dans sa petite édition perdue. Il est peu lu, peu diffusé, pas d'occasion. Il est donc un peu cher et on n'y peut rien.
C'est bien de le préciser, parce qu'une note peut être influencée par cela. Même si on ne le dit pas, un livre moyen qui a coûté cher, on l'aimera moins qu'un livre moyen qu'on a trouvé dans la rue.
Alors un livre cher qu'on aime, malgré son prix, c'est déjà un petit gage de qualité. C'est moche, parce que le livre devrait ne rien avoir à faire avec cela.
L'édition est belle, sobre. Les pages sont épaisses, un peu lourdes. Les pages sont lourdes, comme si le sujet était trop dur pour l'impression médiocre des Editions de Minuit, ou pour les pages qui tombent des livres Gallimard.
Galilée a réussi à donner une charnière solide à un livre, à nous aider à nous y attaquer. L'objet nous donne un socle qui nous empêche de vaciller.
Je tourne autour du pot, j'évite le sujet. J'évite de parler trop vite d'un livre que je viens de terminer et qui encore, a un pouvoir trop fort sur moi.
Je n'ai jamais lu de Cixous. Je n'avais jamais lu de Cixous avant, je veux dire. J'ai été étonné de la savoir en vie. Elle est pour moi d'un autre temps, et ce livre a la capacité rare de sentir le passé, de partager la distance, tout en étant présent. Parce qu'il est terriblement présent.
J'aimerais que les gens lisent ce livre aux portes du débat sur l'euthanasie. J'aimerais que ce livre trop cher et trop dur à trouver, passe de main en main. Parce qu'il est fort, qu'il est engagé et qu'il n'est pas facile; qu'il ne sent pas le combat de bar, à minuit trente, noyé dans le vin.
Il sent la lutte contre soi, la lutte contre une réalité. Une lutte dont Cixous ne sort pas triomphante.
Ses mots ne sont pas le triomphe. Ils sont le malaise, l'hésitation. Ils sont distordus, désorthographiés, mélangés. La ponctuation est en guerre, le sujet se dit. Le sujet dit son impossibilité à être dit, à être utilisé. Le sujet utilise les mots, les lignes.
Le livre est "un juge".
Si j'ai aimé ce livre, il y a une note pour dire cela. Pourquoi j'ai aimé ce livre?
Parce qu'il me résiste. Parce qu'une prose qui, dans les premières pages, ne me touchait pas, m'a attrapé et forcé à lire, tout, toutes les pages, presque tous les mots - je sais que j'en ai sauté quelques uns par hasard, non par ennui.
Parce que ce livre sans image sur ce site, ce livre que personne n'a noté, ce roman tout seul, a la force de se tenir, sur ses trois pattes, et de te mettre une claque dans la gueule.
Je crois que c'est un peu pour cela que je lis des livres. Pour me prendre les claques que les vrais gens ne mettent pas, parce que ce n'est pas convenable.
Après, certains ne veulent pas se prendre de claques, et cela les regarde.