Le Justicier de l'Univers constitue la dernière incursion des Défis Fantastiques dans le domaine de la science-fiction, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il s'agit d'une conclusion en feu d'artifice, une sorte d'apothéose. Ici, vous n'aurez pas affaire à un ersatz de Star Trek, ni à une resucée de Mad Max, et encore moins à du sous-sous-Blade Runner. Non, Le Justicier de l'Univers ne fait pas dans la demi-mesure et offre une aventure aux enjeux extraordinaires avec des péripéties ébouriffantes, dont je peux dire avec certitude qu'on n'a jamais vu ça auparavant (ni depuis).
Oh, certes, votre mission n'a rien d'extraordinaire, puisqu'elle consiste à vaincre un dangereux savant fou qui menace la galaxie. Jusqu'ici, rien de nouveau : on avait déjà eu un savant fou et du voyage interstellaire. Sauf que non. Parce que dans Le Justicier de l'Univers, votre némésis, c'est l'ancien majordome royal, qui est devenu méchant après que son royal employeur a refusé de l'augmenter sous prétexte que, personne n'ayant été augmenté depuis deux siècles, cela ruinerait l'économie locale. Sa réaction est tout à fait logique : il remplace tous les domestiques du palais par ses robots afin de capter leurs gages puis, une fois ce plan découvert, se fait passer pour un chirurgien esthétique pour greffer un ananas géant sur la tête de la reine avant de s'enfuir sur une planète ultra-protégée pour y construire une armée qui lui permettra de conquérir l'univers.
Ah oui, et le héros que vous incarnez, c'est un extra-terrestre à quatre bras, aussi.
So far, so good.
Vous l'aurez compris : pour sa première et dernière contribution aux Défis Fantastiques, Martin Allen a choisi de jouer la carte de la parodie. C'est un choix qui se défend : J. H. Brennan a montré avec brio qu'humour et littérature interactive pouvaient faire bon ménage dans son excellente série Quête du Graal. Manque de bol, Allen n'a pas le dixième du talent de l'Irlandais fou et ce qu'il nous sert n'a rien de comparable en termes de qualité. Après l'introduction délirante à souhait que je vous ai résumée plus haut, le livre enchaîne les paragraphes sans queue ni tête, comme s'il suffisait d'être absurde pour être drôle (exemple : poursuivi par un monstre, le héros décide de s'arrêter pour faire un billard). Impossible de s'immerger dans l'intrigue, de se sentir concerné par ce qui se passe : cette complète absence de rigueur s'avère en fin de compte nuisible.
Alors, certes, il y a des passages qui font mouche, en particulier la scène dont je parlais plus haut où le héros est poursuivi par un Grobulle, sorte de blob orange qui avale tout, et doit lui lancer les objets les plus saugrenus qui soient afin de s'en débarrasser. Mais dans l'ensemble, y a pas vraiment de quoi se rouler par terre de rire, surtout que par moments, on a quand même pas mal l'impression que le livre se fout du lecteur. C'est particulièrement frappant pendant les phases de vol spatial et de combat, avec leurs règles absolument incompréhensibles et des paragraphes de deux lignes aussi enthousiasmants qu'une croisière au Mordor. Vous savez ce qui n'est pas du tout agréable ? Avoir l'impression que l'auteur se paye votre tête. Du coup, même si vous atteignez le 400 (et ce n'est pas dit, tant ce livre est difficile à cause des choix sans queue ni tête qu'il faut faire), vous n'aurez pas du tout le sentiment d'avoir accompli quelque chose, plutôt celui de vous être débarrassé d'une corvée.
Bref, l'idée de base est intéressante, mais l'exécution est épouvantable. Ce n'est pas le pire livre de la série, mais c'est certainement l'un des plus désagréables à lire. La couverture de la VO avait au moins le mérite d'avertir le lecteur.