Kâyou dans la mare à l'imaginaire
Je suis surpris de ne trouer sur SC aucune critique non plus qu'aucune notation de cet inclassable, assurément russe, démesuré comme une iconostase sanglante.
Assurément, ce bouquin est plus fort que moi, et je peine encore à y trouver un sens qui ne soit pas d'absurde aussi génial que sadique. Je ne connais assez ni la littérature ni l'histoire russe pour en goûter tout le sel, mais peu importe, il me suffit bien d'avoir rencontré un labyrinthe qui passe les miens - somme toute sages, les scientifiques étant des gens à qui il faut parfois expliquer certaines choses avant qu'ils n'en conçoivent la possibilité.
Tout cela s'ouvre par la correspondance halluciné truffé de néo-mandarin obscène d'un scientifique, justement, participant à la production littéraro-biologique de lard bleu (mieux traduit sans doute en Anglais par "blue bacon"), substance anentropique produite pas les tissus clonés de sept des plus grands écrivains et poètes russes. Sectes obscène et mystérieuse, schismes improbables, descente au ventre des ventres de la terre, voyage dans le temps, uchronie ou parachronie, on ne sait, dictateurs vulgivagues (toute ressemblance...) et poètes nauséabonds, Allemagne hallucinée, et une fin à la mesure de... toutes ces choses.
L'imaginaire en vadrouille disloque ce que l'on attend de l'imaginaire. Ce Philip K. Dick shooté à l'acide ferait plus penser à un Burroughs parfois mâtiné de Sade - ni de la science-fiction, ni du fantastique, mais peut-être une espèce d'invasion baroque-post-moderne d'un cancer de littérature - d'une littérature proliférante - dans l'ordonnancement réglé des histoires.
C'est obscène, sadique, complaisant avec un évident excès qui ne peut que marquer le détricottage de nos masturbations ordinaires - et du coup, intensément et très sérieusement pervers, cela en devient tout à la fois jouissif et jubilatoire. Car aussi bien, ce pourrait être un Grand N'Importe Quoi - charriant avec lui les tonnes de nos attentes déconfites, déconstruites et dépitées.
Impossible que cela plaise à tout le monde - scènes dérangeantes, outrance du récit lui-même, ironie au degré énième, etc. Je ne peux donc guère le recommander. Mais assurément, je suis preneur de tout avis - pour peu qu'il soit autre que de dégoût, s'entend. Car j'aimerais saisir mieux la nature de ce plaisir trouble éprouvé au fil des pages - ambiguïté de lecteur que je retrouve dans toutes les critiques lues ailleurs sur le Net.