On retrouve avec grand plaisir l’auteur de Voyages en absurdie et Retour en absurdie. En choisissant cette fois de revisiter une belle collection d’expression françaises, l’humoriste peut laisser une nouvelle courir son imagination fertile et prouve que la Belgique compte sûrement les plus talentueux jongleurs de mots du moment. Après les grammairiens et philologues Joseph Hanse, Maurice Grevisse ou encore André Goosse qui ont décortiqué de façon très sérieuse (n’oublie pas ton Grevisse !) les subtilités du français, on a vu éclore outre-Quiévrain une formidable génération d’humoristes, dignes héritiers de Raymond Devos, tels que François Damiens et Benoît Poelvoorde du coté du cinéma, Philippe Geluck, Charline Vanhoenacker (qui fait les beaux jours de France Inter) et Stéphane de Groodt du côté des humoristes, de ceux qui ament à la fois jouer avec les mots et les faire chanter.
Pour ce livre de la jongle, l’acrobate du langage n’a pas hésité à mettre à contribution toute une équipe : « J’avais fait une liste d’expressions. Je l’ai passée en revue et en les lisant, parfois, l’inspiration venait vite. On a travaillé avec mon co-auteur, Christophe Debacq. On a aménagé les choses, on a fait un tri. Et, quand le travail est fait, je demande à ma femme de lire l’ouvrage à voix haute, près de moi. Comme ça, je peux m’assurer de la sonorité des mots également. »*
Le résultat est un savoureux mélange d’érudition et de jeux de mots laids. Mais il sera beaucoup pardonné à celui qui parvient à nous dérider en cette période troublée, aussi bien à Paris qu’à Bruxelles.
Alors amusons-nous… à décortiquer la technique De Groodt, en prenant l’exemple de la page 40 (voir extrait ci-dessous). Il utilise d’abord l’association phonétique, en rapprochant quartier de Cartier, ce qui lui permet de personnifier son propos. Voilà donc un navigateur en charge de l’expression. Mais le sens de la digression va permettre ensuite à l’auteur d’associer Cartier (redevenu phonétiquement quartier) à Orange (la ville pas le fruit) avant de nous ramener à l’explorateur en rappelant qu’il était originaire de Saint-Malo. Ce qui lui permet à nouveau un glissement sémantique vers le malouin, ce qui est très malin. Reprenant l’association d’idées, il s’engage sur les rives du Saint-Laurent (il aurait même pu préciser rive gauche pour hommes) pour passer à Yves Saint-Laurent. Peut être aurait-il pu s’éviter de faire intervenir ici Jacques Caddy, personnage qui n’existe que pour le jeu de mot mais qu’on ne connaît ni des lèvres, ni des dents. Mais nous voilà arrivé au terme du voyage : le grand découvreur était un homme libre. Voilà comment un Cartier libre toujours chérira la mer, à moins que par une dernière pirouette, il soit malade en bateau. Mais n’était ce pas ce que nous demandions de ce livre : nous faire mener en bateau. Alors bon vent !

dahlem
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le 24 nov. 2015

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