Fiche technique

Auteur :

Jean-Pierre Martin
Genre : EssaiDate de publication (pays d'origine) : Parution France : septembre 2006

Éditeur :

Seuil
ISBN : 9782020859806, 9782020859806

Résumé : On ne s'étonnera pas de trouver dans la honte - émotion particulièrement inavouable, à la fois historique et singulière, intime et collective, plus que toute autre, peut-être, extensive, expansive, contagieuse, susceptible de traverser tous les individus sans distinction - un alcool fort de la littérature. Car si nous pouvons nous sentir solidaires de quiconque fait l'aveu de sa honte, et en particulier de celui qui l'écrit, c'est que ayant partie liée avec notre expérience commune, il est celui qui nous dit : je suis comme vous. Plongeant dans les gouffres de la déconsidération de soi, la littérature ose briser avec fracas le " silence sacré de la honte ". Elle donne à penser, d'une manière plus aventureuse et plus exploratrice que toute théorie, ce phénomène incessant qu'est la transformation d'un sujet en objet.Extrait du livre :Les réseaux de la disgrâceAh ! rumeur affreuse, mère de ma honte ! Sophocle, le choeur dans Ajax«Vous ne savez pas que la honte est collective ? dit un per­sonnage féminin de Rushdie. La honte de n'importe laquelle d'entre nous rejaillit sur nous toutes et nous fait baisser la tête '.» La honte n'est pas nécessairement une honte de soi. Elle peut être aussi une honte par procuration, une honte selon les autres, pour les autres. La langue espagnole a pour cela une belle expression : la vergüenza ajena, littéralement la «vergogne des autres», ou plutôt la honte qu'on éprouve solidairement à l'égard d'autrui. C'est pourquoi le témoin détourne les yeux, évitant ainsi de rencontrer ceux d'un autre témoin. «La honte leur interdit de se regarder en sa présence, même si elle dort», écrit Duras dans Dix heures et demie en été.L'espace collectif des hontes est cependant extrêmement hiérarchisé. L'autre que l'on croise, à qui l'on dit bonjour, à qui l'on sert à boire, est aussi une instance