Conte éclectique et nourricier, la danse du bourreau souriant et du félin impavide

Walter Moers est un auteur relativement discret en France, à ma connaissances ses seuls livres traduits en français sont Les 13 vies et demi du capitaine ours bleu (deux tomes), La cité des livres qui rêvent (un tome) et Le maître des Chrecques (un tome).

Soit trois histoires, toutes prises dans son cycle de la littérature Zamonienne, nous privant d'au moins 33 autres tout aussi fabuleuses (si on fait un petit tri) que je brule de découvrir.

Non puisqu'il faut bien le dire, on est en face d'un auteur qui a la classe. On est en face d'un auteur qui a essentiellement écrit des satires. Un auteur a la verve insatiable. Un auteur à la plume adroite. Un auteur à l'imagination si merveilleuse qu'on finira par se demander ce qu'il en est de sa santé mentale.

Je vous invite donc avec précipitation à découvrir au moins un des livres du monsieur, c'est poétique, rêveur, génial, original, gouleyant et passionnant. Mais retournons à ce bouquin (sous genre de la littérature culinaire) plus précisément.

Ainsi nous sommes une fois de plus en Zamonie, ce continent mythique, l'action toutefois se verra toutefois restreinte au cadre d'une seule ville : Sledwaya, la ville des malades, cadre posé de façon fantastique dans ce qui pourrait être une singulière pièce de théâtre à quatre acteurs.

Le héros est un mistigriffe, chat parlant rare à deux foies, dont la maîtresse est morte, il erre donc dans les ruelles, sans ressources et affamé, proche de la mort. Notre deuxième personnage est le maître de la ville, le maitre des Chrecques, le redoutable, fantastique et charismatique Succubus Eispin, celui dont la rumeur en fait l'auteur des vices et tortures les plus immondes, des maladies paralysant Sledwaya et de tous les fléaux existants. La rencontre entre la créature décharnée et les belles paroles aboutissent à un pacte, un contrat (diabolique s'il en est) où l'homme s'engage à nourrir et chérir la bête durant un mois avant de la tuer pour prélever sa graisse.

N'ayant pas d'autre solution pour survivre Écho accepte, entamant ainsi leur étrange compagnonnage : à partir de là, ils vont cohabiter, Écho se fait disciple de son nouveau maître qui lui fait expérimenter l'alchimie, la cuisine ou encore la compagnie des chauves-souris du grenier.

Or là où Walter Moers frappe très fort c'est que comme à chaque fois, en plus de son imagination foisonnante, on a le droit à une véritable maîtrise de la narration qui lui permet d'empiéter sur tous les bords. Ce qui aurait pu être un roman d'apprentissage, dans une relation étrange entre l'élève et le maître et leur pacte mortel, est donc aussi poétique, drôle, il insère l'histoire dans l'histoire de manière merveilleuse, Écho cherchant à échapper à son destin, c'est aussi un thriller au suspense haletant, c'est une fresque qui va toujours plus loin, qui cherche à nous émerveiller.

Le Houbou et la dernière Chrecque sont les interlocuteurs et les adjuvants de notre mistigriffe, permettant de nouvelles approches, de nouvelles perceptions tout en amenant les changements de rythme et provoquant les évènements qui marquent le déroulement narratif.

Sous un air faussement naïf, avec ce travail toujours aussi réussi dans la couverture et les quelques illustrations par l'auteur lui-même, tous les personnages ont beaucoup à dire et son toujours plus complet qu'on aurait pu le croire, le scénario étant lui au rendez-vous, c'est donc une oeuvre à déguster (puisqu'on ne cesse d'y parler de nourriture), sans retard pour éviter de faire retomber le soufflé, la tisane et l'envie.
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le 14 sept. 2012

Modifiée

le 15 sept. 2012

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